Interviews
Serge Poisson-de Haro et les enjeux stratégiques des organisations artistiques
Serge Poisson-de Haro est professeur agrĂ©gĂ© au dĂ©partement du management Ă HEC MontrĂ©al.Â
Expertises
Stratégie, capacités dynamiques, gestion des arts, organisation et environnement naturel, gestion des organisations artistiques.
à quel besoin souhaitez-vous répondre avec vos recherches?
Serge Poisson-de Haro : PremiĂšrement, ce qui mâintĂ©resse ce sont les enjeux de gestion et les enjeux stratĂ©giques des organisations artistiques. Je suis professeur de stratĂ©gie et jâĂ©tudie depuis plusieurs annĂ©es les organisations artistiques montrĂ©alaises, telles que le MusĂ©e des beaux-arts de MontrĂ©al, le MusĂ©e dâArt Contemporain, lâOpĂ©ra de MontrĂ©al, lâOrchestre Symphonique de MontrĂ©al, lâOrchestre MĂ©tropolitain, le Festival MontrĂ©al en lumiĂšre et les cirques tels le Cirque Ăloize, le Festival MontrĂ©al ComplĂštement Cirque, etc. En tant que professeur de stratĂ©gie, jâanalyse leurs divers enjeux et je tente dâappliquer des modĂšles dâanalyse stratĂ©gique classique pour conduire des analyses de leurs contextes, interne comme externe. La thĂ©orie des ressources en est un. Ă lâinterne, jâanalyse les ressources et les compĂ©tences dont dispose la compagnie pour Ă©valuer celles qui permettraient de dĂ©velopper un avantage concurrentiel. Ăgalement, le concept de modĂšle dâaffaire, une littĂ©rature stratĂ©gique Ă©mergente depuis plusieurs annĂ©es, permet de dĂ©finir sa proposition de valeur et comment sâorganiser Ă lâinterne pour livrer le service au client cible. Le tout requiert de bien comprendre le positionnement stratĂ©gique dâune organisation au sein de son environnement externe, tant concurrentiel quâau sens plus large. Ce sont tous ces Ă©lĂ©ments que je tente de prendre en considĂ©ration dans une analyse stratĂ©gique.
DeuxiĂšmement, jâaime beaucoup la pĂ©dagogie et les mĂ©thodes expĂ©rientielles pour enseigner la gestion stratĂ©gique. Je favorise mĂ©thode des cas ou encore lâutilisation de simulation informatique rĂ©pliquant les dynamiques concurrentielles au sein dâun secteur donnĂ©. 90% de mon enseignement est expĂ©rientiel. Je fais trĂšs peu de cours magistraux, car je prĂ©fĂšre lorsque lâĂ©tudiant est acteur de la situation et des analyses Ă faire pour trouver les solutions aux enjeux de gestion. Une partie de ma recherche est dâailleurs dĂ©diĂ©e Ă la pĂ©dagogie.
Câest par le biais de la pĂ©dagogie que je me suis penchĂ© sur lâanalyse stratĂ©gique des organisations culturelles. Cela correspondait Ă ma volontĂ© de comprendre les spĂ©cificitĂ©s du tissu culturel Ă MontrĂ©al Ă mon arrivĂ©e dans la mĂ©tropole. Câest la rĂ©daction de cas sur des organisations locales de renom qui mâa menĂ© Ă lancer le projet de recherche : « Les Enjeux de gestion au XXIĂšme siĂšcle ». Cette recherche mâa permis, par exemple, de largement analyser les enjeux de gestion vĂ©cus par le MusĂ©e des beaux-arts de MontrĂ©al. Jâai relevĂ© comment, par un meilleur ancrage local, le musĂ©e a pu rayonner Ă lâinternational. De par ses stratĂ©gies, ses choix de mieux sâancrer localement, de sâappuyer sur des compĂ©tences locales et de crĂ©er des expositions temporaires qui ensuite voyagent Ă travers le monde, le MBAM est devenu le premier musĂ©e au Canada, avec plus dâun million de visiteurs par annĂ©e. Une exposition comme celle de Jean-Paul Gauthier, entiĂšrement crĂ©Ă© au QuĂ©bec avec des compĂ©tences locales, fait actuellement le tour du monde et favorise le rayonnement international du musĂ©e. Câest important localement pour encourager la communautĂ© montrĂ©alaise de soutenir son musĂ©e pour assurer son succĂšs ici et ailleurs.
Finalement, on peut dire que le nerf de la guerre, comme pour toute organisation, câest dâassurer lâĂ©quilibre financier tout en Ă©tant fidĂšle Ă sa mission. Les enjeux des organisations artistiques se situent grandement au niveau du financement. On parle gĂ©nĂ©ralement dâorganisation sans but lucratif. Ces organisations sont davantage financĂ©es par des fonds publics (trois paliers de gouvernement), des donateurs privĂ©s, des commandites mais aussi par la capacitĂ© de lâorganisation Ă gĂ©nĂ©rer des revenus autonomes comme les recettes de billetterie. LâĂ©quilibre financier est certainement un des enjeux majeurs des organisations artistiques et celui-ci passe par la fidĂ©lisation et le renouvellement du public. Lâobjectif est de renouveler lâoffre et ainsi attirer une nouvelle clientĂšle, tout en restant fidĂšle Ă la ligne directrice artistique. Lâoptimisation organisationnelle de chaque dollar dĂ©pensĂ© est centrale. Lâobjectif est dâĂȘtre en mesure de faire plus avec moins. Dans les organisations artistiques, on est loin de la quĂȘte de profit, on aspire avant tout Ă faire vivre la mission artistique. Par ailleurs, il est important de changer la perception commune du grand public, Ă savoir que la culture se doit dâĂȘtre gratuite. Cette perception est grandement alimentĂ©e par les nombreux festivals culturels gratuits, mais cette mĂȘme perception distancie le grand public des enjeux de financements vĂ©cus par les organisations artistiques.
Quels sont les défis dans votre champ de recherche?
Serge Poisson-de Haro : Le dĂ©fi est dâinnover et dâĂȘtre ancrĂ© dans les dĂ©fis quotidiens de ces organisations. Comment les outils dĂ©veloppĂ©s dans le milieu des affaires peuvent-ils ĂȘtre pertinents au secteur des arts, comment adapter lâexistant? Lâenjeu est aussi de trouver quelque chose de nouveau en termes de gestion, qui serait issu de la complexitĂ© du secteur des arts. On pourrait exporter certaines pratiques vers le monde de lâentreprise, pour que celui-ci puisse apprendre du secteur des arts. Le dĂ©fi est de faire une sorte de boucle entre les deux. Comme lâĂ©quation financiĂšre des organisations artistiques est particuliĂšre, elle implique une gestion plus complexe avec les parties prenantes. Ces organisations doivent aller chercher des dons, des subventions gouvernementales et gĂ©rer les attentes dâun plus grand nombre de parties prenantes, comparativement Ă la plupart des entreprises qui se soucient prioritairement des attentes des clients et des actionnaires. Les entreprises peuvent apprendre Ă mieux sâintĂ©grer dans leurs communautĂ©s en observant ce que font les organisations artistiques. La polyvalence, la capacitĂ© Ă faire plus avec moins et cette gestion complexe des parties prenantes sont les connaissances clĂ©s en gestion des organisations artistiques. Et elles sont valides pour des organisations autres quâartistiques.
Je me dis souvent que ce qui diffĂ©rencie probablement le secteur des arts du monde de lâentreprise, câest quâil donne avant tout des Ă©motions. Beaucoup dâentreprises ont du mal Ă trouver le sens de lâĂ©motion spontanĂ©e. Je crois que les rĂȘves vĂ©hiculĂ©s par lâart sont ce qui nous rend humains. Ce sont ces souvenirs qui nous restent et nous rendent heureux, beaucoup plus que nos possessions matĂ©rielles qui se pĂ©riment par obsolescence programmĂ©e. Je crois quâil est important que ces organisations qui donnent des Ă©motions restent pĂ©rennes, car elles crĂ©ent des instants de vie dont on se souvient longtemps. Elles permettent mĂȘme parfois de transcender le quotidien.
Comment vous ĂȘtes-vous intĂ©ressĂ© Ă ce sujet?
Serge Poisson-de Haro : LâintĂ©gration du dĂ©veloppement durable comme source dâavantage concurrentiel pour les compagnies fut ma thĂšse universitaire. Câest un peu une thĂšse pour « sauver le monde ou rendre le monde meilleur » en voulant encourager les entreprises Ă contribuer au systĂšme Ă©conomique tout en ayant un impact social et environnemental positif. Câest ce cĂŽtĂ© un peu idĂ©aliste que jâai, mais aussi par intĂ©rĂȘt personnel que je me suis tournĂ© vers le milieu artistique. Un monde sans artistes serait triste, mais ceux-ci ont gĂ©nĂ©ralement besoin de renforcer leurs compĂ©tences de gestion. Câest cet aspect qui a en quelque sorte dĂ©marrĂ© mon intĂ©rĂȘt pour les organisations artistiques. Ătant un Canadien adoptif (dâorigine française), cette passion pour les arts, mon penchant pour la stratĂ©gie en gĂ©nĂ©ral et pour les stratĂ©gies des organisations artistiques en particulier mâont, en quelque sorte, permis dâapprendre et de mieux mâintĂ©grer Ă lâĂ©cosystĂšme montrĂ©alais, notamment culturel.
Que diriez-vous Ă quelquâun qui dĂ©bute dans votre domaine?
Serge Poisson-de Haro : Il est important dâĂ©couter les praticiens et de comprendre leurs difficultĂ©s quotidiennes. Il faut se mettre au service de leurs problĂšmes trĂšs concrets avec une rationalitĂ© et une rigueur acadĂ©mique, pour tenter de trouver une interprĂ©tation possible Ă ce qui se passe et Ă©ventuellement trouver des solutions. Il faut dĂ©marrer sur le terrain, connaitre les thĂ©ories et quâelles soient au service de lâexplication du sujet observĂ©. Câest grĂące au lien entre ces thĂ©ories acadĂ©miques et les situations concrĂštes quâĂ©mergent souvent des solutions durables. Il est important de rester collĂ© Ă la rĂ©alitĂ© tout en prenant du recul pour lâanalyse. Câest en faisant des ponts entre lâobservation et la thĂ©orie quâon peut crĂ©er de nouvelles thĂ©ories et de nouvelles solutions.
Serge Poisson-de Haro chez eValorix
Texte par Fanny Vadnais
Propos recueillis par FĂ©lix Vaillancourt
Sylvain Sénécal et le consommateur moderne
Sylvain SĂ©nĂ©cal est professeur titulaire au service de lâenseignement du marketing Ă HEC MontrĂ©al. Il est Ă©galement titulaire de la Chaire de commerce Ă©lectronique RBC Groupe Financier, co-directeur du Tech3Lab et prĂ©sident de imarklab.
à quel besoin souhaitez-vous répondre avec vos recherches?
Sylvain SĂ©nĂ©cal : Je suis titulaire de la Chaire de commerce Ă©lectronique RBC Groupe Financier et codirecteur du Tech3Lab Ă HEC MontrĂ©al. La chaire sâintĂ©resse Ă lâutilisation de la technologie dans le quotidien des consommateurs quĂ©bĂ©cois et canadiens, notamment pour combler leurs besoins de consommation. Cette technologie peut ĂȘtre lâordinateur de bureau, la tablette, le tĂ©lĂ©phone intelligent ou une interface en magasins. Nous publions le fruit de notre recherche sous forme dâarticles scientifiques et cela peut aussi donner lieu Ă des Ă©tudes de cas ou des livres blancs « whitepapers » lorsque lâon collabore avec des entreprises.
Le TechÂłLab se spĂ©cialise en expĂ©rience utilisateur, Ă la chaire on se spĂ©cialise en marketing Ă©lectronique. LâidĂ©e du TechÂłLab câest dâavoir un endroit oĂč lâon peut observer de façon trĂšs prĂ©cise, avec des mĂ©thodologies variĂ©es, une interaction entre une personne et une interface. On utilise beaucoup lâoculomĂ©trie, des mesures physiologiques comme le rythme cardiaque ou la sudation, ou mĂȘme la reconnaissance faciale des Ă©motions et lâĂ©lectroencĂ©phalographie (voir quelle rĂ©gion du cerveau est activĂ©e durant une tĂąche). LâidĂ©e câest dâanalyser lâinteraction sans dĂ©ranger lâutilisateur.
Nous essayons de mieux comprendre comment les consommateurs vivent leur expĂ©rience en ligne. On sâintĂ©resse beaucoup Ă la prise de dĂ©cision. Elle peut se traduire notamment par la recherche dâun produit, le fait de sâinformer sur un produit ou service, acheter sur un site web ou encore la rĂ©troaction sur les mĂ©dias sociaux. Ce grand cycle de prise de dĂ©cision, câest important de bien le comprendre afin dâoffrir aux consommateurs des services en ligne qui rĂ©pondent bien Ă leurs besoins et facilitent leur vie.
Quels sont les défis dans votre champ de recherche?
Sylvain SĂ©nĂ©cal : Le dĂ©fi câest dâobserver et de comprendre lâinteraction sans nuire Ă celle-ci. Quand on pose des questions, il est possible que la personne ne se rappelle pas de la premiĂšre minute de son interaction ou quâelle effectue une interprĂ©tation moyenne de son interaction globale. LâidĂ©e de lâinstrumentation que lâon utilise pour analyser est dâaller chercher des observations durant lâinteraction.
Quelquâun qui ne rĂ©ussit pas son achat va peut-ĂȘtre Ă©valuer nĂ©gativement tous les aspects dâune interaction, alors que la frustration est causĂ©e par un Ă©lĂ©ment prĂ©cis. On peut voir que lâĂ©motion nĂ©gative est arrivĂ©e Ă un moment donnĂ© et ainsi ne pas jeter le bĂ©bĂ© avec lâeau du bain.
Comment vous ĂȘtes-vous intĂ©ressĂ© Ă ce sujet?
Sylvain SĂ©nĂ©cal : Ă la base je me suis toujours intĂ©ressĂ© au comportement du consommateur, puis, durant ma formation universitaire, les technologies sont apparues de plus en plus dans la vie du consommateur (sites web, appareils mobiles, etc.). Jâai effectuĂ© mon doctorat au sommet de la bulle internet. Cet intĂ©rĂȘt pour comprendre le consommateur et son interaction avec la technologie nous a amenĂ©s graduellement Ă voir comment des outils utilisĂ©s au TechÂłLab peuvent nous aider Ă avoir une meilleure comprĂ©hension de ces interactions.
Que diriez-vous Ă quelquâun qui dĂ©bute dans votre domaine?
Sylvain SĂ©nĂ©cal : DorĂ©navant, la prĂ©sence sur internet est de mise pour nâimporte quelle entreprise, de nâimporte quelle taille et de nâimporte quelle industrie. Si tu nâes pas sur internet, tu nâexistes pas pour un consommateur : il dĂ©bute sa recherche en ligne.
Ă la base, lâentreprise doit bien connaĂźtre les besoins de sa clientĂšle et reflĂ©ter cette comprĂ©hension sur sa prĂ©sence en ligne. Si une entreprise mise beaucoup sur le service Ă la clientĂšle, il faut que lâimage en ligne soit cohĂ©rente avec cela. Le positionnement dans les diffĂ©rents points de contacts (canaux) est le cĆur dâune expĂ©rience client rĂ©ussie.
Pour les chercheurs câest un domaine trĂšs stimulant, Ă la fine pointe de la technologie. Ainsi, pour effectuer de la recherche dans ce domaine, il faut une bonne comprĂ©hension des consommateurs, de la technologie, des outils dâobservation des comportements en ligne et finalement, de lâanalyse de ces donnĂ©es.
Sylvain Sénécal chez eValorix
Propos recueillis par FĂ©lix Vaillancourt
Vincent Fourmond et le métabolisme énergétique
Vincent Fourmond est chargĂ© de recherche/research associate au laboratoire de BioĂ©nergĂ©tique et IngĂ©nierie des ProtĂ©ines (BIP) UMR7281, une UnitĂ© Mixte de Recherche du CNRS et de lâUniversitĂ© dâAix-Marseille (AMU). La commercialisation de son outil QSoas est rendue disponible par la SATT Sud-Est.
à quel besoin souhaitez-vous répondre avec vos recherches?
Vincent Fourmond : Je suis Ă©lectro-chimiste, je cherche Ă comprendre les enzymes qui sont impliquĂ©s dans la respiration de certaines bactĂ©ries. Notre travail sâinscrit dans la recherche fondamentale et a trait au domaine du stockage et de la conversion de lâĂ©nergie. Le logiciel que jâai crĂ©Ă©, QSoas, nous sert Ă analyser lâactivitĂ© Ă©lectrochimique.
Il y a des applications pratiques Ă cette recherche aussi. Par exemple, les hydrogĂ©nases sont des excellents catalyseurs pour produire de lâhydrogĂšne ou lâoxyder. On peut sâimaginer utiliser ces enzymes dans les piles Ă combustible afin de gĂ©nĂ©rer de lâĂ©lectricitĂ© par exemple (crĂ©ation dâĂ©nergie via rĂ©action chimique) ou concevoir des catalyseurs pour produire de lâhydrogĂšne et lâutiliser pour notamment remplacer le platine, coĂ»teux et rare. Nous travaillons aussi sur des enzymes dans le stockage du CO2. Ătre capable de fabriquer du carburant Ă partir du gaz carbonique, câest un des plus gros dĂ©fis du secteur de lâĂ©nergie – du moins dans la partie chimique.
Quels sont les défis dans votre champ de recherche?
Vincent Fourmond : Le vrai problĂšme dans le domaine de lâĂ©nergie en ce moment câest le stockage. LâĂ©nergie solaire est abondante, mais elle nâest pas toujours prĂ©sente (plus faible en certaines saisons ou absente la nuit). Il faut pouvoir stocker cette Ă©nergie et Ă©ventuellement la transporter. LâĂ©lectricitĂ© est dure Ă stocker, mais on devrait pouvoir conserver lâĂ©nergie sous forme chimique â une des stratĂ©gies câest de fabriquer de lâhydrogĂšne.
Une autre approche est aussi dâutiliser lâĂ©nergie afin de fabriquer du carburant Ă partir du CO2 dans lâatmosphĂšre. PrĂ©sentement, câest techniquement possible,  mais le  rendement Ă©nergĂ©tique global est encore trop faible pour que ce soit viable.
Comment vous ĂȘtes-vous intĂ©ressĂ© Ă ce sujet?
Vincent Fourmond : Je suis physicien Ă la base, lâĂ©nergie et la biologie mâont sĂ©duit. Pour moi, câest fascinant de voir comment les ĂȘtres vivants sont capables dâextraire lâĂ©nergie de leur environnement – la bioĂ©nergĂ©tique. Comprendre comment tout ça fonctionne au niveau molĂ©culaire ou de la bactĂ©rie. Les enzymes sur lesquelles on travaille sâinscrivent dans le mĂ©tabolisme Ă©nergĂ©tique, elles participent Ă la vie de la bactĂ©rie. Elles auraient Ă©tĂ© prĂ©sentes dĂšs lâorigine de la vie, dans des sources chaudes abondantes en hydrogĂšne. Essayer de les comprendre et voir comment elles ont Ă©mergĂ© permet dâavoir des pistes sur les conditions de ces origines.
Que diriez-vous Ă quelquâun qui dĂ©bute dans votre domaine?
Vincent Fourmond : Le domaine le plus intĂ©ressant et le plus dur en ce moment est du cĂŽtĂ© biologique de la rĂ©duction du CO2. Les enzymes sont trĂšs difficiles Ă Ă©tudier et on a peu de rĂ©sultats jusquâĂ prĂ©sent. DâaprĂšs moi, il y a beaucoup Ă apprendre de ces enzymes. Ce sera un travail collaboratif dâune Ă©quipe multidisciplinaire. Les sujets que lâon aborde sont trop vastes pour ĂȘtre abordĂ©s par un seul spĂ©cialiste, il faut apprendre Ă communiquer avec le langage issu du champ dâexpertise de nos collĂšgues.
Notre recherche est une belle collaboration avec des physiciens qui ont des approches en spectroscopie ou des chimistes-thĂ©oriciens qui essaient de calculer les Ă©tats chimiques qui peuvent ĂȘtre impliquĂ©s dans la catalyse. On travaille aussi avec des gens qui font de la cristallographie (pour dĂ©terminer la structure de protĂ©ines, comment sâorganisent les atomes de protĂ©ines) et avec des chimistes plus intĂ©ressĂ©s par lâapplicatif â par exemple crĂ©er des Ă©lectrodes pour faire des piles Ă combustible.
Vincent Fourmond chez eValorix
Propos recueillis par FĂ©lix Vaillancourt
Marie-Christine Ouellet et la santé psychologique aprÚs un traumatisme craniocérébral
Marie-Christine Ouellet est professeure agrĂ©gĂ©e Ă lâĂcole de psychologie de lâUniversitĂ© Laval. Elle est Ă©galement chercheuse au Centre interdisciplinaire de recherche en rĂ©adaptation et intĂ©gration sociale (CIRRIS).
Expertises
Psychologie clinique de la santĂ© et psychologie de la rĂ©adaptation. Psychopathologie associĂ©e aux troubles neurologiques et aux blessures traumatiques (particuliĂšrement les traumatismes craniocĂ©rĂ©braux) chez les adultes et les aĂźnĂ©s. Adaptation des mĂ©thodes dâĂ©valuation et dâintervention cognitivo comportementale Ă des populations en rĂ©adaptation.
à quel besoin souhaitez-vous répondre avec vos recherches?
Marie-Christine Ouellet : Ce qui mâintĂ©resse le plus, ce sont les difficultĂ©s rencontrĂ©es sur le plan de la santĂ© psychologique aprĂšs un traumatisme craniocĂ©rĂ©bral. Ăa couvre un spectre assez large : ça peut se prĂ©senter sous forme de dĂ©pression, dâanxiĂ©tĂ©, dâinsomnie, une fatigue qui sâinstalle et devient chronique, la consommation de substances, etc. Nous nous intĂ©ressons Ă tout le spectre de sĂ©vĂ©ritĂ©, allant de la commotion simple Ă un traumatisme beaucoup plus sĂ©vĂšre et qui peut avoir des impacts Ă des niveaux cognitifs, physiques, comportementaux ou Ă©motionnels.
Ce nâest pas parce que lâatteinte est lĂ©gĂšre que tout va bien aller ou que parce que l’atteinte est sĂ©vĂšre que tout va mal. Malheureusement les problĂšmes de santĂ© mentale sont trĂšs frĂ©quents suite Ă un traumatisme crĂąnien, mais ils manquent encore dâattention scientifique. Beaucoup dâefforts sont mis pour sauver la vie des individus subissant un choc Ă la tĂȘte et aussi afin leur offrir une rĂ©adaptation (surtout physique et cognitive). Toutefois, ces efforts peuvent ĂȘtre compromis si ces gens voient leur santĂ© mentale affectĂ©e sans ĂȘtre traitĂ©s.
On ne sait pas ce qui est attendu ou normal par rapport Ă un tel Ă©vĂšnement. Le traumatisme craniocĂ©rĂ©bral est une condition chronique, on vit avec les consĂ©quences toute sa vie. Câest probablement difficile pour la personne et le clinicien de distinguer ce qui est attendu de ce qui est pathologique. Les gens ne vont pas nĂ©cessairement chercher de lâaide. Il faut rendre les interventions plus accessibles, dissĂ©miner des interventions comme par exemple des thĂ©rapies cognitivo-comportementales.
Quels sont les défis dans votre champ de recherche?
Marie-Christine Ouellet : Ce nâest pas Ă©vident de distinguer ce qui Ă©tait une problĂ©matique prĂ©sente avant lâaccident, de ce qui lâest aprĂšs, ou encore ce qui fait partie du cours normal de la vie de lâindividu. Ce qui est trĂšs clair câest que la prĂ©valence des problĂšmes de santĂ© mentale est extrĂȘmement grande chez les individus qui ont subi un traumatisme crĂąnien par rapport Ă la population gĂ©nĂ©rale. Il nây a pas assez de traitement et de prĂ©vention qui sont faits. Il faudrait dĂ©velopper des interventions prĂ©ventives pour que les gens aient la meilleure qualitĂ© de vie possible aprĂšs un accident. On pourrait possiblement prĂ©venir la dĂ©pression, lâinsomnie, le recours Ă lâutilisation de substances, etc. On peut faire du travail auprĂšs de cliniciens, mais il faudrait quâil y ait des programmes diffusĂ©s au grand public. Les gens ne savent pas pour la plupart quâils sont plus Ă risque de problĂšmes de santĂ© mentale suite Ă un accident. PrĂšs de la moitiĂ© des gens qui subissent un traumatisme crĂąnien vont dĂ©velopper une condition cliniquement significative.
Comment vous ĂȘtes-vous intĂ©ressĂ©e Ă ce sujet?
Marie-Christine Ouellet : Jâai dĂ©butĂ© ma formation en neuropsychologie. On sâintĂ©ressait plus aux aspects cognitifs : mĂ©moire, attention, etc. Dans le cadre de mes contacts cliniques, je me suis intĂ©ressĂ©e aux aspects Ă©motionnels; faire du suivi sur des consĂ©quences Ă©motionnelles de conditions neurologiques. Des gens dont les sĂ©quelles au plan neuropsychologique ont des impacts sur leur couple, leur famille et leur Ă©tat dâesprit. On est un peu au confluent de la neuropsychologie, de la psychologie de la santĂ© et de la psychologie clinique. Ăa sâappelle de la psychologie de la rĂ©adaptation.
Jâai des collaborations avec des mĂ©decins dâurgence, des ergothĂ©rapeutes, des physiothĂ©rapeutes, des travailleurs sociaux, des gens en Ă©pidĂ©miologie. Pas juste des chercheurs, mais des cliniciens aussi.
Dans le cadre de notre projet, on suit environ 400 personnes. Lâobjectif est dâavoir des applications pratiques tirĂ©es de nos conclusions. Nous nous intĂ©resserons de plus en plus aux aĂźnĂ©s Ă©galement. Avec le vieillissement de la population, plus les gens demeurent actifs longtemps, plus on augmente le risque de chute. Le virage de la recherche dans les traumatismes crĂąniens au niveau de cette population nâest pas vraiment amorcĂ©. On prend toutes les problĂ©matiques associĂ©es au vieillissement et on superpose les problĂšmes cognitifs suite Ă un traumatisme crĂąnien. Ce projet avec les aĂźnĂ©s est vraiment une initiative des cliniciens et que je supporte.
Que diriez-vous Ă quelquâun qui dĂ©bute dans votre domaine?
Marie-Christine Ouellet : Ce qui est motivant, câest lâidĂ©e de pouvoir faire une diffĂ©rence dans la qualitĂ© de vie des patients. La population de gens qui subit des traumatismes craniocĂ©rĂ©braux est en fait trĂšs nombreuse, donc la recherche dans ce domaine aura potentiellement des impacts importants sur bien des gens. Par contre, câest souvent une blessure invisible, il y a donc encore beaucoup de travail Ă faire pour que la sociĂ©tĂ© reconnaisse les maux issus de ces traumatismes.
Marie-Christine Ouellet chez eValorix
Propos recueillis par FĂ©lix Vaillancourt.
Capsule FRQS sur le manuel INSOMNIE ET FATIGUE APRĂS UN TRAUMATISME CRANIOCĂRĂBRAL
Martin Beaulieu et la logistique hospitaliĂšre
Martin Beaulieu est professionnel de recherche Ă HEC MontrĂ©al et membre du groupe de recherche CHAĂNE. Il est Ă©galement chargĂ© de cours Ă HEC MontrĂ©al et Ă lâUniversitĂ© de MontrĂ©al au dĂ©partement de lâadministration de la santĂ©.
Expertises
StratĂ©gie des groupes dâachats du secteur de la santĂ©, modes de rĂ©approvisionnement des unitĂ©s de soins, diagnostic logistique dâĂ©tablissement de santĂ©.
à quel besoin souhaitez-vous répondre avec vos recherches?
Martin Beaulieu : Mes intĂ©rĂȘts de recherche portent sur la logistique hospitaliĂšre; tout le volet de lâapprovisionnement et de la gestion des stocks dans le rĂ©seau de la santĂ©. Ăa peut ĂȘtre aussi les relations externes avec les fournisseurs, mais principalement tout ce qui se dĂ©place Ă lâintĂ©rieur de lâĂ©tablissement. En ce sens, il y a deux axes Ă mes recherches : comprendre les pratiques de travail les plus performantes et chercher Ă combler des lacunes de gestion. Les pratiques associĂ©es Ă la logistique hospitaliĂšre ont souvent Ă©tĂ© mises de cĂŽtĂ© au profit de la prestation de soins â comment gĂ©rer les soins. La logistique est plutĂŽt en pĂ©riphĂ©rie, ses processus sont moins encadrĂ©s et Ă©tudiĂ©s.
Quels sont les défis dans votre champ de recherche?
Martin Beaulieu : La transposition de certaines pratiques qui se font ailleurs vers le milieu de la santĂ© nâest pas simple. Il y a peu de secteurs dâactivitĂ©s Ă mon avis qui gĂšrent une diversitĂ© aussi importante de produits. Un Ă©tablissement de santĂ© peut compter jusquâĂ 50 000 codes de produits diffĂ©rents : de la pharmacie Ă lâalimentation en passant par la fourniture mĂ©dicale. Wal-Mart va avoir dans ses magasins 75 000 codes de produits diffĂ©rents, mais au final câest eux qui dĂ©cident quels produits ils vont vendre tandis que les produits qui se retrouvent dans un Ă©tablissement de santĂ© sont lĂ pour aider Ă la prestation de soins, on ne peut pas faire fi de lâavis des professionnels de la santĂ©. On ne peut pas simplement transposer des solutions logistiques issues dâautres secteurs, il faut les adapter.
La logistique hospitaliÚre est un champ de recherche somme toute assez récent. Tout est un peu plus à défricher.
Les processus ne sont pas tout le temps bien dĂ©finis dans les organisations. Il y a parfois de la difficultĂ© Ă obtenir des donnĂ©es pour faire les analyses. Les systĂšmes dâinformations ne sont pas toujours conçus pour faciliter lâextraction des donnĂ©es. Les processus ne sont pas toujours matures.
Comment vous ĂȘtes-vous intĂ©ressĂ©e Ă ce sujet?
Martin Beaulieu : Un de mes patrons a Ă©tĂ© approchĂ© par un distributeur du rĂ©seau de la santĂ© qui souhaitait aider le rĂ©seau en livrant mieux aux Ă©tablissements. Environ au mĂȘme moment une Ă©tude importante aux Ătats-Unis a contribuĂ© Ă mousser notre intĂ©rĂȘt et ça fait un peu plus de vingt ans quâon se penche sur ce secteur-lĂ .
On ne veut pas se substituer au mandat des consultants. LâuniversitĂ© a une mission de transfert des connaissances, dans les mandats que lâon exĂ©cute il y a une opportunitĂ© de comprendre des phĂ©nomĂšnes et de les appliquer Ă dâautres rĂ©alitĂ©s, de combler des trous dans la littĂ©rature. Le rĂ©sultat du mandat que nous exĂ©cutons va probablement avoir une valeur applicative, mais il faut comprendre que ça sâinscrit dans une rĂ©flexion et un processus dâĂ©change avec les Ă©tablissements et notre groupe de recherche.
Que diriez-vous Ă quelquâun qui dĂ©bute dans votre domaine?
Martin Beaulieu : Restez branchĂ©s sur les besoins du milieu, tant ceux des gestionnaires que ceux prĂšs des lieux de travail. Se trouver des mentors ou des gens qui vont vous introduire sur leurs prĂ©occupations, aller sur leur terrain. Câest un peu la marque de commerce du Groupe de recherche CHAĂNE. On ne peut pas recommander quelque chose dans lâabsolu, il faut ĂȘtre capable de saisir les nuances des diffĂ©rents contextes. Par exemple, la logistique du CIUSSS de l’Est-de-l’Ăle-de-MontrĂ©al qui tient sur quelques kilomĂštres est diffĂ©rente du CISSS de la CĂŽte-Nord qui se dĂ©ploie sur des centaines de kilomĂštres.
Martin Beaulieu chez eValorix
Propos recueillis par FĂ©lix Vaillancourt
Marie Alexandre et la didactique
Marie Alexandre est professeure au baccalaurĂ©at de lâenseignement professionnel Ă lâunitĂ© dĂ©partementale des Sciences de lâĂ©ducation de Rimouski Ă lâUQAR. Elle est membre du ComitĂ© scientifique de la revue Formation et profession (Revue internationale en Ă©ducation) et du ComitĂ© scientifique international de lâAcadĂ©mie nationale des Sciences et techniques du SĂ©nĂ©gal.
Expertises
Processus de travail enseignant; construits (schĂšmes) didactiques; savoir-enseigner; formation de formateurs; environnements numĂ©riques dâapprentissage; processus de raisonnement de mĂ©tier.
à quel besoin souhaitez-vous répondre avec vos recherches?
Marie Alexandre : Inscrites dans une perspective didactique, mes recherches sâarticulent principalement autour de trois axes dâinvestigation. Dâabord, concernant le processus de travail enseignant (savoir enseigner), mes travaux suggĂšrent que le caractĂšre idiosyncratique du savoir enseigner est un ensemble de manifestations contextualisĂ©es dĂ©coulant de lâexercice dâun processus didactique Ă©tonnamment stable. Lâanalyse d’ensembles dâactions associĂ©es aux quatre phases du processus didactique, procure un Ă©clairage sur la maniĂšre de rĂ©flĂ©chir « un contenu Ă ĂȘtre enseignĂ© pour ĂȘtre appris par dâautres ». Ă partir de ce point de vue, les entitĂ©s de contenus devenus enseignables sont dĂ©signĂ©es sous le vocable de construits (schĂšmes) didactiques.
Ensuite, mes travaux en adĂ©quation formationâemploi consistent Ă modĂ©liser un concept prometteur correspondant au savoir de mĂ©tier : le processus de raisonnement de mĂ©tier. Le concept du processus de raisonnement de mĂ©tier est constituĂ© dâactivitĂ©s-clĂ©s et dâactions associĂ©es Ă lâexercice dâun mĂ©tier en formation professionnelle. Enfin, je travaille en partenariat avec les milieux de pratique en formation professionnelle. En effet, mes activitĂ©s de recherche sur le savoir enseigner mâamĂšnent Ă mâintĂ©resser au milieu de pratique et plus spĂ©cifiquement au rĂŽle jouĂ© par lâun des acteurs importants dans les centres de formation professionnelle : le conseiller pĂ©dagogique. Jâai obtenu une subvention dans le cadre du Programme de soutien Ă la formation continue du personnel scolaire du MELS (2013-2016). Je rĂ©alise actuellement une recherche-formation (action) sur lâaccompagnement didactique des enseignants des centres de formation professionnelle dans le secteur de la fabrication mĂ©tallique.
Quels sont les défis dans votre champ de recherche?
Marie Alexandre : Je vous parlerai de mes dĂ©fis en lien avec chacun de mes axes de recherche. Ainsi, pour lâavenir, je vise Ă documenter le processus de travail enseignant, du point de vue des acteurs, par le recueil et lâanalyse de donnĂ©es auprĂšs dâun plus grand nombre dâenseignants et dâenseignantes provenant de programmes diffĂ©rents, Ă des ordres dâenseignement variĂ©s incluant les environnements numĂ©riques dâapprentissage. Au regard de lâadĂ©quation formation-emploi, il sâagit dâun travail de collaboration entre chercheur et praticiens visant Ă renforcer le degrĂ© dâemployabilitĂ© des Ă©lĂšves en formation professionnelle et celui de la main-dâĆuvre. Câest dâailleurs dans ce contexte que sâinscrit le laboratoire ParamĂštres et les guides didactiques. Les rencontres et les entretiens menĂ©s auprĂšs dâenseignants, de formateurs hors du contexte scolaire (programmes dâapprentissage en milieu de travail) et de travailleurs ont permis de dĂ©finir un processus de mĂ©tier commun contribuant Ă amĂ©liorer lâarrimage entre le monde scolaire et le marchĂ© du travail. Enfin au regard du partenariat avec les milieux de pratique, mes travaux en cours ont comme finalitĂ© lâĂ©laboration et la rĂ©alisation dâune dĂ©marche de dĂ©veloppement professionnel destinĂ©e aux conseillers pĂ©dagogiques des centres de formation professionnelle (CFP) et fondĂ©e sur lâexercice du processus didactique.
Comment vous ĂȘtes-vous intĂ©ressĂ©e Ă ce sujet?
Marie Alexandre : LâUNESCO (2013) souligne que lâĂ©conomie du savoir est en lien avec la notion dâapprentissage tout au long de la vie. Concept clĂ© au XXIe siĂšcle, lâapprentissage tout au long de la vie englobe tous les Ăąges ainsi que toutes les formes dâĂ©ducation. Pour sa part, lâOrganisation de coopĂ©ration et de dĂ©veloppement Ă©conomiques soutient que la qualitĂ© des enseignants est le premier levier dâamĂ©lioration de lâefficacitĂ© des systĂšmes dâĂ©ducation (OCDE, 2013). De mĂȘme, lâUNESCO dans son rapport Enseigner et apprendre : Atteindre la qualitĂ© pour tous publiĂ© en 2014, fait ressortir quâun systĂšme Ă©ducatif ne vaut que ce que valent ses enseignants.
Sur un plan plus personnel, jâai constatĂ© tout au cours de mon long cheminement scolaire, la capacitĂ© de certains enseignants Ă changer ma vision ou ma façon de penser alors que dâautres nây arrivaient pas du tout. Ma question depuis le tout dĂ©but est : Comment fait-on pour «faire apprendre»? En fait, je dĂ©crypte lâADN enseignant. Jâexplicite la complexitĂ© du savoir de la pratique enseignante tout en dĂ©boulonnant le mythe de la vocation enseignante â celui de « tu lâas ou tu lâas pas! ».
Que diriez-vous Ă quelquâun qui dĂ©bute dans votre domaine?
Marie Alexandre : Trouver son apport particulier et original au savoir humain . Dans mon cas : LâavĂšnement de lâĂšre numĂ©rique jumelĂ© Ă la pluralitĂ© des savoirs a un impact majeur sur le rĂŽle de lâĂ©ducation. Dans ce contexte, une meilleure comprĂ©hension de lâadĂ©quation entre le rĂŽle enseignant et les nouvelles compĂ©tences requises pour lâapprentissage au XXIe confirme lâimportance de la recherche dans le champ didactique. En fait, chercheure en Ă©ducation est le plus beau mĂ©tier du monde ou ⊠presque !
Marie Alexandre chez eValorix
Propos recueillis par FĂ©lix Vaillancourt.
Ressources et références
- ParamÚtres, laboratoire des métiers : http://laboratoiredesmetiers.com/
- Alexandre, M. (2014). Vers la modĂ©lisation de construits didactiques : trois Ă©tudes de cas dâenseignantes expĂ©rimentĂ©es en techniques dâĂ©ducation Ă lâenfance. Formation et profession, 22(2), 57-73. http://dx.doi.org/10.18162/fp.2014.41
- Marie Alexandre, et al (2014). Lâutilisation didactique des technologies dans lâaccompagnement de stagiaires en formation Ă lâenseignement. Apprendre et enseigner aujourdâhui, 3(2), 48-54 http://fr.calameo.com/read/001898804fd79b7fd42fb
Anne Mesny, la mesure et les indicateurs
Anne Mesny est professeure titulaire au Service de lâenseignement du management. Elle est Ă©galement directrice du Centre de cas HEC MontrĂ©al.
Expertises
Pédagogie en gestion, utilisation et valorisation des savoirs académiques, apprentissages du métier de gestionnaire, sociologie des organisations, éthique de la recherche en sciences sociales.
à quel besoin souhaitez-vous répondre avec vos recherches?
Anne Mesny : Je mâintĂ©resse aux relations entre thĂ©orie et pratique et Ă lâutilisation des connaissances scientifiques. Ce qui est frappant quand on regarde la recherche sur lâutilisation des savoirs acadĂ©miques, câest quâon part toujours du principe que les connaissances issues des sciences de la nature sont plus utiles que les celles des sciences sociales. Elles peuvent donner lieu Ă des rĂ©sultats plus visibles, par exemple les brevets. Ce que je tente de faire avec mes recherches, câest de montrer que les savoirs issus des sciences sociales, y compris le management, sont intensĂ©ment utilisĂ©s mais que cette utilisation est moins visible.
Prenons une illustration simple : quelquâun qui se marie ou qui divorce a probablement entendu parler des taux de mariage et de divorce dans les sociĂ©tĂ©s modernes ainsi que des explications variĂ©es, sociologiques, Ă©conomiques, psychologiques, anthropologiques, etc., pour rendre compte de ces taux. Ces connaissances proviennent en partie de recherches en sciences sociales, mais la personne qui la mobilise pour mĂ»rir sa rĂ©flexion au sujet de son propre mariage ou divorce nâen a pas forcĂ©ment conscience. Il ne sâagit pas dâune utilisation visible ni instrumentale de la recherche.
Mon intĂ©rĂȘt de recherche porte donc sur les maniĂšres dont sont utilisĂ©es les connaissances issues des sciences sociales, et aussi sur les maniĂšres de mieux les diffuser Ă lâextĂ©rieur du monde acadĂ©mique. Je suis aussi Ă la recherche dâindicateurs, de signaux ou de « marqueurs » pour repĂ©rer les utilisations de ces connaissances, alors mĂȘme quâune telle utilisation est trĂšs difficilement « mesurable ».
En ce sens, la crĂ©ation dâeValorix grĂące Ă lâaide notamment de Nicolas Pinget, mâintĂ©ressait en tant que chercheure. En effet, eValorix repose sur lâidĂ©e quâil est possible de transformer des connaissances en sciences sociales ou en gestion en artefacts visibles, comme des mĂ©thodes ou des outils de diagnostic qui leur donnent une plus grande visibilitĂ©. Au-delĂ de lâaspect « valorisation », câest donc surtout lâaspect « visibilité » qui mâintĂ©ressait.
Quels sont les défis dans votre champ de recherche?
Anne Mesny : Le principal dĂ©fi câest la mesure et les indicateurs. Dans mes domaines (la sociologie et la gestion) il est trĂšs difficile de « mesurer » lâutilisation ou lâutilitĂ© de la connaissance. Jâaime bien la mĂ©taphore de la traçabilitĂ© dans les aliments. On est maintenant capable de remonter du steak emballĂ© Ă lâĂ©picerie jusquâĂ la vache chez lâĂ©leveur. Comment est-on capable de tracer la connaissance issue des sciences sociales – comme par exemple un chercheur qui thĂ©orise sur lâĂ©chec scolaire – jusquâau moment oĂč cette thĂ©orie inspire une politique publique ou mĂȘme lorsque des parents utilisent cette connaissance pour sâexpliquer certains problĂšmes de leur enfant Ă leur Ă©cole? Jâaimerais ĂȘtre capable de tracer la connaissance dans tout ce circuit.
Plus la connaissance issue des sciences sociales est diffusĂ©e dans la sphĂšre publique, plus elle fait partie du sens commun, plus on en oublie la source initiale. Le paradoxe fait que plus cette connaissance est utilisĂ©e, plus il devient difficile de la tracer ou de la mesurer Ă lâaide dâindicateurs.
Mesurer lâutilisation des connaissances entre chercheurs, câest facile â bien quâil y aurait long Ă dire sur les indicateurs dont on se sert pour le faire. Cela se corse lorsque lâon tente dâĂ©valuer comment les connaissances sortent du milieu acadĂ©mique ou mĂȘme parfois si elles en sortent.
Comment vous ĂȘtes-vous intĂ©ressĂ©e Ă ce sujet?
Anne Mesny : Jâai toujours Ă©tĂ© trĂšs Ă©tonnĂ©e dâentendre que les sciences sociales sont moins utiles que les sciences de la nature. Lorsque jâĂ©coute des conversations dans le mĂ©tro ou que je lis un article de journal, je vois des sciences sociales et des connaissances qui circulent! Quand telle thĂ©orie nĂ©olibĂ©rale est (re)passĂ©e dans le sens commun (aprĂšs sâen ĂȘtre nourrie puis dĂ©tachĂ©e!) ou quâun jeune parle de coĂ»t de transactions en se demandant quel est le meilleur moyen de sâacheter sa premiĂšre auto, câest majeur! Les notions issues des sciences sociales sont extrĂȘmement utilisĂ©es, mais câest mal documentĂ© et mal compris.
Cette utilisation tous azimut des connaissances issues des sciences sociales peut-ĂȘtre bonne ou mauvaise. Il nây a rien de forcĂ©ment positif ou Ă©mancipateur dans la mobilisation dâune connaissance. Il nây a quâĂ penser Ă certaines prophĂ©ties autorĂ©alisatrices en Ă©conomie⊠Je ne veux pas montrer la beautĂ© de lâutilisation des connaissances issues des sciences sociales, mais plutĂŽt montrer quâon les utilise tout le temps et que ces utilisations sont porteuses de toutes sortes dâeffets, positifs et nĂ©gatifs… Ces connaissances sont des munitions continuelles dans la rĂ©flexion et le discours dâun parent,  dâun chef dâĂtat ou dâun chef dâentreprise.
Que diriez-vous Ă quelquâun qui dĂ©bute dans votre domaine?
Anne Mesny : Jâai peut-ĂȘtre donnĂ©, Ă tort, lâimpression quâil y a une nette sĂ©paration entre les sciences sociales et les sciences de la nature. Cette sĂ©paration est toute relative. Beaucoup de phĂ©nomĂšnes concernant lâutilisation des connaissances â la transformation en « sens commun », les utilisations conceptuelles ou symboliques, etc. – concernent Ă la fois les sciences de la nature et les sciences du social.
Il y a un fond commun sur la maniĂšre dont les connaissances circulent dans les sociĂ©tĂ©s. Les technologies, lâinternet et les rĂ©seaux sociaux, transforment en profondeur les façons de diffuser et dâutiliser ces connaissances. Il reste Ă©normĂ©ment Ă Ă©tudier lĂ -dessus!
Propos recueillis par FĂ©lix Vaillancourt
Yves Joanette : le langage et l’Ă©valuation des habiletĂ©s de communication
Yves Joanette est professeur titulaire Ă la facultĂ© de mĂ©decine de lâUniversitĂ© de MontrĂ©al et chercheur au Centre de recherche de lâInstitut universitaire de gĂ©riatrie de MontrĂ©al. Il est Ă©galement directeur scientifique de lâInstitut du vieillissement des Instituts de recherche en santĂ© du Canada.
Expertises
Vieillissement, communication, neurosciences cognitives, dĂ©mences et lĂ©sions cĂ©rĂ©brales, dont les impacts des lĂ©sions Ă lâhĂ©misphĂšre droit sur les habiletĂ©s de communication (traitement sĂ©mantique des mots, discours et pragmatique) et ses implications cliniques (Ă©valuation et prise en charge).
à quel besoin souhaitez-vous répondre avec votre recherche?
Yves Joanette : LâintĂ©rĂȘt de mon groupe de recherche et le mien est la maniĂšre dont les capacitĂ©s Ă communiquer sont inscrites dans le cerveau. Ce qui mâa toujours fascinĂ© est comment le cerveau et ses capacitĂ©s Ă©voluent avec lâĂąge tout en maintenant ces habiletĂ©s de communication de maniĂšre optimale. Je mâintĂ©resse aussi Ă lâeffet des lĂ©sions cĂ©rĂ©brales sur le cerveau, en me focalisant sur des dimensions de la communication ou du langage, un domaine qui a Ă©tĂ© lâune des premiĂšres fenĂȘtres sur la comprĂ©hension du fonctionnement du cerveau.
On sâintĂ©ressait dĂ©jĂ aux impacts des lĂ©sions cĂ©rĂ©brales Ă la fin du 19e siĂšcle sur le langage. Avec mon Ă©quipe, nous nous sommes intĂ©ressĂ©s aux impacts de telles lĂ©sions sur des aspects de la communication qui nâavaient pas Ă©tĂ© pris en compte Ă ce moment. Quand on pense Ă la communication, on peut penser aux mots, Ă lâarticulation⊠mais la communication câest surtout faire passer un message ou une intention de communication adaptĂ©e Ă lâinterlocuteur et au contexte. Bien communiquer, câest aussi bien organiser sa pensĂ©e et son discours. Tous ces aspects de la communication nâavaient pas Ă©tĂ© pris en compte dans le passĂ© et câest ce sur quoi se penche mon Ă©quipe.
Suite aux nombreux travaux de recherche que nous avons effectuĂ©s, il nous est rapidement paru important de voir comment on pouvait transformer les connaissances en outils cliniques afin dâaider ceux qui subissent les contrecoups des lĂ©sions cĂ©rĂ©brales. Pour ce faire, il a fallu impliquer les collĂšgues qui sont aux premiĂšres loges: les cliniciens et les cliniciennes. Notre maniĂšre de travailler ensemble nâĂ©tait pas de simplement offrir ce que lâĂ©quipe de recherche pensait ĂȘtre le meilleur. Notre collaboration avec eux a Ă©tĂ© profondĂ©ment bidirectionnelle. Nous avons ainsi rĂ©pondu Ă leurs besoins exprimĂ©s, et nous les avons invitĂ©s Ă sâimpliquer dans le travail de crĂ©ation de ces outils, tout en offrant la rĂ©troaction Ă notre Ă©quipe suite aux premiĂšres utilisations de lâoutil clinique; un beau travail de communication!
Quels sont les défis dans votre champ de recherche?
Yves Joanette : LâinterdisciplinaritĂ© est une opportunitĂ© et un dĂ©fi. Lâapport des autres disciplines et spĂ©cialistes permet dâaborder la question qui nous intĂ©resse. LâĂ©tude du cerveau est particuliĂšrement interdisciplinaire.
Il faut comprendre le langage de lâautre. LâinterdisciplinaritĂ© nâest pas la mise en apposition dâune sĂ©rie de bureaux de spĂ©cialistes. Il faut crĂ©er des cadres de rĂ©fĂ©rence et un langage commun, une comprĂ©hension commune. Et câest lĂ le dĂ©fi !
Comment vous ĂȘtes-vous intĂ©ressĂ© Ă ce sujet?
Yves Joanette : La complexitĂ© du cerveau et son organisation fonctionnelle mâont toujours fascinĂ©. La communication, lâun des comportements propres Ă lâhumain, est la porte dâentrĂ©e et sortie du cerveau !
LâĂȘtre humain est social, il est connectĂ© aux autres par la communication. Si on est frustrĂ© dans sa communication, si on ne se fait pas bien comprendre, on ne peut pas pleinement jouer son rĂŽle dans la sociĂ©tĂ©.
Que diriez-vous Ă quelquâun qui dĂ©bute dans votre domaine?
Yves Joanette : La recherche fondamentale est nĂ©cessaire, mais la recherche appliquĂ©e et clinique offre le grand privilĂšge de permettre de voir et de mesurer lâapplication concrĂšte des connaissances dĂ©veloppĂ©es, des outils imaginĂ©s et des approches au bĂ©nĂ©fice de celles et ceux qui ont besoin de notre appui.
Il faut ĂȘtre passionnĂ© par la question sur laquelle on veut se pencher. Il faut que les grandes questions auxquelles on sâintĂ©resse nous motivent au plus haut point.
Propos recueillis par FĂ©lix Vaillancourt.
Bernard-Simon Leclerc et Joey Jacob : lâĂ©valuation des pratiques et des relations
Bernard-Simon Leclerc est chercheur dâĂ©tablissement et responsable de lâunitĂ© dâĂ©valuation du Centre de recherche et de partage des savoirs InterActions, du Centre intĂ©grĂ© universitaire de santĂ© et de services sociaux du Nord-de-lâĂle-de-MontrĂ©al. Il est Ă©galement professeur adjoint de clinique Ă lâĂcole de santĂ© publique de lâUniversitĂ© de MontrĂ©al.
Expertises : ĂpidĂ©miologie sociale, dĂ©terminants sociaux, inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©, enjeux sociaux des services de santĂ© et des services sociaux, Ă©valuation des pratiques, des programmes et des interventions participatives et intersectorielles en gĂ©nĂ©ral.
Joey Jacob est professionnel de recherche Ă lâUnitĂ© dâĂ©valuation du Centre de recherche et de partage des savoirs InterActions du Centre intĂ©grĂ© universitaire de santĂ© et de services sociaux du Nord-de-lâĂle-de-MontrĂ©al.
Expertises : Ăvaluation des pratiques, des programmes et des interventions participatives et intersectorielles, analyse de rĂ©seaux, dĂ©terminants sociaux, inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©, enjeux sociaux des services de santĂ© et des services sociaux,
à quel besoin souhaitez-vous répondre avec vos recherches?
Bernard-Simon Leclerc : Le centre de recherche et de partage des savoirs InterActions a une thĂ©matique qui traite de lâarticulation des rĂ©seaux personnels, communautaires et publics face aux problĂšmes complexes. Nous pourrions dire que quelques Ă©lĂ©ments que nous touchons au centre sont les activitĂ©s de recherche appliquĂ©e dans le domaine du social, lâenseignement, la formation, la mobilisation des connaissances scientifiques et pratiques ainsi que lâĂ©valuation des programmes et des modes dâintervention. DĂšs que des personnes interagissent ensemble pour rĂ©soudre des problĂšmes, que ce soit des rĂ©seaux familiaux ou des rĂ©seaux professionnels, cela tombe potentiellement dans notre thĂ©matique.
Pour ma part, je suis responsable de lâunitĂ© dâĂ©valuation. Nous avons un mandat large qui nous permet dâarrimer les prĂ©occupations du milieu scientifique, celles des milieux de pratique et des autres acteurs du territoire du rĂ©seau local de services. Les intĂ©rĂȘts dâĂ©tude de lâunitĂ© peuvent porter par exemple sur lâĂ©valuation des services curatifs, des interventions sociales ou des interventions de santĂ© publique. Nous proposons dâĂ©valuer par exemple les besoins, lâimplantation de projets, lâutilisation dâoutils ainsi que les effets des interventions ou les pratiques cliniques.
Il est important de comprendre la distinction entre la recherche Ă©valuative et lâĂ©valuation de programmes. En recherche traditionnelle, la prĂ©occupation est de gĂ©nĂ©rer de la connaissance pour la communautĂ© scientifique. Dans lâĂ©valuation de programme, les projets rĂ©pondent plus particuliĂšrement aux besoins de partenaires sur le terrain, câest du sur-mesure en fonction du problĂšme posĂ© par les acteurs locaux.
Joey Jacob : Par exemple, lâoutil « Incitatifs et obstacles Ă la supervision de stage » disponible sur le site dâeValorix rĂ©pondait aux besoins de lâensemble des organisations de soins de santĂ© et de services sociaux de lâĂźle de MontrĂ©al. Elles ont fait appel Ă nos services pour documenter les raisons pour lesquelles il Ă©tait si difficile de recruter des superviseurs de stage et cela, dans plus dâune vingtaine de professions diffĂ©rentes. Notre projet a permis dâĂ©tablir des recommandations et de dĂ©velopper diffĂ©rents outils afin dâaugmenter le nombre de professionnels qui acceptent de superviser des stages.
Bernard-Simon Leclerc : Nous avons plusieurs projets qui ont gravitĂ© autour de cette problĂ©matique et nous avons reçu beaucoup de rĂ©ponses positives des Ă©tablissements de santĂ© et des universitĂ©s qui utilisent nos outils. Une forme dâaccrĂ©ditation « Formateur de choix » est mĂȘme en voit dâĂȘtre Ă©laborĂ©e par le CIUSSS du Nord-de-l’Ăle-de-MontrĂ©al afin de crĂ©er des conditions favorables Ă la supervision de stage. Ces travaux se basent sur nos outils. Câest une trĂšs belle forme de valorisation de la recherche!
Quels sont les défis dans votre champ de recherche?
Joey Jacob : Nous devons nous assurer que les projets dâĂ©valuation que nous rĂ©alisons seront pertinents pour les personnes qui les rĂ©clament. Notre objectif est dâaider Ă amĂ©liorer leur pratique. ConsidĂ©rant que souvent nos projets ont diffĂ©rents acteurs aux intĂ©rĂȘts variĂ©s, nous entreprenons tous nos projets avec lâidĂ©e que tout le monde en sorte gagnant. Câest un beau dĂ©fi que de conjuguer lâensemble des exigences de nos clients!
Bernard-Simon Leclerc : Lâun des dĂ©fis les plus importants est de mobiliser les milieux Ă participer aux Ă©valuations. La participation nâest pas acquise dâemblĂ©e. Câest pourquoi on essaie dâimpliquer les participants, de faire de lâempowerment et de leur montrer les avantages de lâĂ©valuation. Nous cherchons Ă faire des projets axĂ©s sur le concret et non pas des projets vagues ou trop ambitieux. On est peut-ĂȘtre un peu Ă contre-courant de la tendance gĂ©nĂ©rale dans le rĂ©seau de la santĂ©; nos types dâĂ©valuations rĂ©pondent moins Ă des besoins managĂ©riaux de haut niveau quâĂ des besoins trĂšs proches du terrain. On donne une voix Ă des intervenants qui travaillent plus prĂšs de la base, afin de documenter leurs pratiques, de tenter dây donner une impulsion, de faire connaĂźtre leur situation, et de lĂ©gitimiser leurs activitĂ©s.
On fait la promotion dâune approche participative des parties prenantes. Nous les impliquons dans le projet afin de le construire ensemble. On aide au dĂ©veloppement des pratiques et Ă lâanimation de communautĂ©s. Par exemple, Ă lâIUGM une formation de formateurs en soins palliatifs en soins prolongĂ©s a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©e. Deux infirmiĂšres de CHSLD qui ont suivi la formation ont souhaitĂ© lâimplanter dans les milieux. Elles sont venues nous voir et nous avons documentĂ© et Ă©valuĂ© le projet-pilote afin de valider la crĂ©dibilitĂ© de cette initiative.
« Nous privilĂ©gions lâexercice de lâĂ©valuation dans un but de dĂ©veloppement des connaissances, de soutien Ă la prise de dĂ©cision, de promotion du dĂ©bat dĂ©mocratique ainsi que dâamĂ©lioration des pratiques, plutĂŽt que de rĂ©pondre Ă des impĂ©ratifs essentiellement administratifs [âŠ]. Nous attirons lâattention sur une portĂ©e avouĂ©e de lâĂ©valuation, Ă savoir sa contribution Ă lâamĂ©lioration des conditions sociales et collectives ou, autrement dit, dâempowerment des individus et des communautĂ©s. » Extrait du cadre de rĂ©fĂ©rence en Ă©valuation de lâunitĂ© dâĂ©valuation dâInterActions
Comment vous ĂȘtes-vous intĂ©ressĂ© Ă ce sujet?
Bernard-Simon Leclerc : Je viens du milieu de la santĂ© publique, toute ma carriĂšre de chercheur sây est dĂ©roulĂ©e. Les approches participatives, jâen ai toujours fait la promotion. Jâai Ă©tĂ© recrutĂ© comme chercheur pour crĂ©er une unitĂ© dâĂ©valuation au centre InterActions. Les dirigeants partageaient ma philosophie, ils Ă©taient sensibilisĂ©s et ouverts Ă cette forme dâĂ©valuation.
Joey Jacob : Je suis un sociologue de formation. Ce que jâapprĂ©cie vraiment de lâunitĂ© dâĂ©valuation, câest notre capacitĂ© Ă rĂ©pondre aux besoins des partenaires de tous les milieux. Nous pouvons voir leur engouement se dĂ©velopper pour lâĂ©valuation au fur et Ă mesure que nos projets se concrĂ©tisent. Lâimpact est tellement important pour les acteurs que nous en tirons beaucoup de satisfaction!
Bernard-Simon Leclerc : Quand on fait des travaux de recherche sur plusieurs annĂ©es, de longue haleine, la gratification est plus longue Ă venir. Quand on fait des projets dâĂ©valuation avec les acteurs du milieu, on gĂ©nĂšre de lâinformation qui est utile plus rapidement.
Que diriez-vous Ă quelquâun qui dĂ©bute dans votre domaine?
Joey Jacob : Une des particularitĂ©s de la recherche dans le domaine social est la difficultĂ© Ă trouver du financement. Il y a toutefois de trĂšs beaux projets pour lesquels il vaut la peine dây mettre lâeffort.
Bernard-Simon Leclerc : Il y a beaucoup dâĂ©tudiants au baccalaurĂ©at qui ont une conception de la recherche comme Ă©tant du travail de laboratoire avec peu de contacts humains. Quand ils dĂ©couvrent le travail que lâont fait, ça change leur perspective sur la recherche et lâĂ©valuation en gĂ©nĂ©ral!
Il faut ĂȘtre tenace et tenir Ă nos valeurs comme Ă©valuateur, la pression peut parfois ĂȘtre forte de faire une Ă©valuation complaisante. Il faut aussi lutter pour mettre de lâavant le rĂŽle de lâĂ©valuation qui est trop souvent perçu comme un luxe. Le luxe, croyez-moi, câest de ne pas faire une Ă©valuation!
Bernard-Simon Leclerc chez eValorix
Propos recueillis par FĂ©lix Vaillancourt.
Louise Demers et la gérontechnologie
Louise Demers est professeure titulaire Ă lâĂcole de rĂ©adaptation de lâUniversitĂ© de MontrĂ©al. Elle est Ă©galement directrice de lâĂcole de rĂ©adaptation de la FacultĂ© de mĂ©decine de lâUniversitĂ© de MontrĂ©al, Vice-doyenne associĂ©e aux sciences de la santĂ© et chercheure au Centre de recherche de lâInstitut universitaire de gĂ©riatrie de MontrĂ©al.
Expertises : Gérontologie, proches aidants, mesure et évaluation, participation sociale des personnes ùgées vivant dans la communauté
La mission dâeValorix est de diffuser les outils numĂ©riques issus de la recherche publique. Cette entrevue fait partie de la sĂ©rie dâentrevues avec les femmes et les hommes derriĂšre cette recherche. Les articles tirĂ©s de nos conversations informelles paraĂźtront sous cette rubrique toutes les deux semaines. Inscrivez-vous Ă lâinfolettre afin de rester au courant!
eValorix : à quel besoin souhaitez-vous répondre avec votre recherche?
Louise Demers : « Je cherche Ă optimiser les services aux personnes ĂągĂ©es qui restent Ă domicile Ă travers la technologie. Un Ă©lĂ©ment important pour moi, câest de considĂ©rer les besoins des proches aidants dans la recherche de solutions. En fait, je suis particuliĂšrement intĂ©ressĂ©e par tout ce qui concerne lâutilisation et le dĂ©veloppement des aides techniques utilisĂ©es ou destinĂ©es aux personnes ĂągĂ©es. On rĂ©fĂšre ici Ă la gĂ©rontechnologie, qui est un domaine assez large, allant des aides techniques simples comme les barres dâappui Ă des appareils plus complexes comme des fauteuils roulants motorisĂ©s. Je mâintĂ©resse Ă de nouvelles technologies comme les piluliers Ă©lectroniques et les fauteuils roulants motorisĂ©s intelligents. Je travaille Ă Ă©valuer les impacts des technologies existantes et au dĂ©veloppement de nouvelles technologies  pour les personnes ĂągĂ©es qui ont des dĂ©ficiences, principalement dâordre physique. Dans quelle mesure ces technologies ont-elles un impact rĂ©el pour rĂ©duire le fardeau dâaide des proches-aidants? De fait, chercher Ă augmenter lâautonomie dâune personne ĂągĂ©e sous-tend quâon diminue lâaide requise de la part dâautres personnes. Depuis un certain temps, je cible mes recherches sur lâĂ©valuation des impacts de la technologie pour ceux qui donnent de lâaide humaine, en espĂ©rant que lâaide technique puisse remplacer lâaide humaine finalement. »
eValorix : Quels sont les défis dans votre champ de recherche?
Louise Demers : « Dâun point de vue clinique, passer du dĂ©veloppement technologique Ă une appropriation et Ă une utilisation sur le terrain, câest Ă©norme! Il faut rĂ©ussir Ă mesurer des effets qui soient rĂ©els et concrets. Il y a tout le financement de la dispensation des aides techniques Ă considĂ©rer. Il y a aussi les changements de pratique des cliniciens. Bref, il y a beaucoup de dĂ©fis.
Pour la recherche, câest un dĂ©fi dâĂ©tudier les populations ĂągĂ©es fragiles et leurs proches aidants. Il nâest pas facile de recruter des participants, notamment parce que les proches aidants vivent une surcharge. Il y a beaucoup dâattrition dans ce type dâĂ©tude, dâautant plus que les conditions de santĂ© des personnes les plus ĂągĂ©es tendent Ă se dĂ©tĂ©riorerâŠ. Les Ă©tudes longitudinales sont problĂ©matiques.
eValorix : Comment vous ĂȘtes-vous intĂ©ressĂ©e Ă ce sujet?
Louise Demers : « Alors que jâĂ©tais ergothĂ©rapeute clinicienne, je  me posais des questions sur les impacts de ce que lâon fait en rĂ©adaptation. Dans quelle mesure est-ce que, au congĂ© des centres de rĂ©adaptation, les aides techniques attribuĂ©es sont utiles aux personnes qui les reçoivent? Mon intĂ©rĂȘt pour la recherche est vraiment parti de cette question. Je me suis engagĂ©e dans des Ă©tudes de doctorat et mes recherche se sont orientĂ©es dans ce secteur. »
eValorix : Que diriez-vous Ă quelquâun qui dĂ©bute dans votre domaine?
Louise Demers : « Je crois que câest vraiment important dâĂȘtre centrĂ©e sur le pourquoi de nos recherches. Il faut sâattacher Ă des problĂ©matiques dont les solutions peuvent rĂ©pondre Ă des besoins de la sociĂ©tĂ©. Dans le contexte prĂ©sent, il faut vraiment savoir pourquoi on fait ce travail. Il faut ĂȘtre proche des utilisateurs de la recherche. Il ne faut pas se disperser non plus. Je suggĂšre aux jeunes chercheurs de se tailler une niche dans un secteur qui leur appartient et se lâapproprier, et ne pas nĂ©cessairement embarquer dans tous les projets disponibles. MĂȘme en travaillant en Ă©quipe, un chercheur doit ĂȘtre identifiĂ© Ă une thĂ©matique. Un jeune chercheur qui accepte dâaller dans trop de diffĂ©rents projets risque de se sentir dĂ©bordĂ©. Il faut se doter dâun plan, avoir une programmation et une stratĂ©gie pour ne pas se laisser submerger. Il faut Ă©galement aimer ce que lâon fait, parce quâil y a beaucoup de frustration Ă la vie de chercheur, notamment avec le financement qui est difficile. Il faut apprendre Ă se valoriser au-delĂ de la reconnaissance associĂ©e Ă lâobtention de subvention. »
Texte par Kassandra Martel
Propos recueillis par FĂ©lix Vaillancourt
Laurent Lapierre et la méthode des cas en gestion
Laurent Lapierre, Ph.D. (McGill), C.M., est professeur honoraire Ă HEC MontrĂ©al. Il a Ă©galement Ă©tĂ© directeur gĂ©nĂ©ral de la SociĂ©tĂ© artistique de lâUniversitĂ© Laval (1968-1970), le premier directeur administratif du ThĂ©Ăątre du Trident (1970-1973), le fondateur du Centre de Cas HEC MontrĂ©al et le premier titulaire de la Chaire de leadership Pierre-PĂ©ladeau (2001-2013). MBA HEC (1975), il est membre de lâOrdre du Canada depuis 2007.
à quel besoin souhaitez-vous répondre avec votre recherche?
Laurent Lapierre : Jâai graduellement compris quâenseigner la gestion de façon thĂ©orique par des cours qui prĂ©sentent des connaissances ou des modĂšles normatifs de type ââvoici comment on devrait faireââ, ne prĂ©parent pas vraiment Ă la pratique de la gestion. Câest intĂ©ressant et peut-ĂȘtre rassurant pour les Ă©tudiants, mais dans la vraie vie, la gestion ne se passe jamais comme la thĂ©orie nous lâa appris. La rĂ©alitĂ© nâest pas une thĂ©orie. La carte nâest pas le territoire. Une carte est utile, voire nĂ©cessaire, mais ce nâest jamais le voyage.
Avant de faire mon doctorat, jâai Ă©tĂ© le premier directeur du ThĂ©Ăątre du Trident Ă QuĂ©bec. Je lisais alors des livres sur « les principes du management », sur comment planifier, organiser, diriger, contrĂŽler⊠CâĂ©tait frustrant parce que je savais bien que la gestion au jour-le-jour, câĂ©tait plus organique, voire chaotique, et que pour la majoritĂ© du temps, lĂ oĂč câĂ©tait le plus important ou le plus dĂ©terminant, ça ne se passait pas de façon linĂ©aire.
Ă HEC MontrĂ©al, jâai dĂ©couvert la mĂ©thode des cas qui a longtemps Ă©tĂ© lâapanage de lâUniversitĂ© Harvard. PlutĂŽt que dâenseigner thĂ©oriquement comment on devrait faire, on utilise des histoires de cas. On laisse les Ă©tudiants apprendre par eux-mĂȘmes. IdĂ©alement on Ă©crit soi-mĂȘme les cas dont on a besoin Ă partir dâentrevues que nous faisons avec de vrais dirigeants. Quand on va en classe, tout le monde a lu cette « histoire », et on vient en classe pour discuter, pour apprendre, pas pour prendre des notes.
Cette pĂ©dagogie de type Story Telling fait confiance Ă lâintelligence des Ă©tudiants, Ă leur dĂ©sir dâapprendre et de dĂ©couvrir ce qui peut vraiment leur convenir. Lâessence de la gestion, câest le jugement; et le but de la formation, câest justement dâaffiner leur jugement.
Pour moi, la mĂ©thode des cas, câest ça! Tu tâimpliques dans un cours de management, mais il nây a pas de thĂ©ories en gestion ou en leadership qui tiennent la route. Si tu Ă©tudies les grands dirigeants, tu vas finir par comprendre ce qui a Ă©tĂ© valable pour eux Ă leur Ă©poque et dans une situation prĂ©cise, et par te faire une idĂ©e de ce qui pourrait ĂȘtre valable pour toi dans une autre situation donnĂ©e.
Avant dâarriver dans nos cours, les Ă©tudiants ont dĂ©jĂ une bonne idĂ©e de ce quâest la gestion et le leadership. Ils ont dĂ©jĂ beaucoup appris de la vie. Ils savent diffĂ©rencier un leader dâune autre personne qui ne le serait pas par exemple. Les Ă©tudiants lisent donc une histoire de cas et ils arrivent prĂȘts pour en discuter en classe. On ne vient pas en classe si on nâa pas lu le cas. Câest dâailleurs Ă©crit au plan de cours.
Souvent, la discussion commence mĂȘme avant lâheure du cours. Ils en discutent entre eux au cafĂ©, par courriels ou dans un forum; ils voient trĂšs souvent quâun autre Ă©tudiant nâa pas compris de la mĂȘme maniĂšre quâeux ou ils dĂ©couvrent des richesses ou des aspects quâils nâavaient pas vus dans cette histoire lĂ . La pĂ©riode du cours nâest que la continuation de cet apprentissage. Câest donc un apprentissage qui se fait principalement par lâĂ©tudiant lui-mĂȘme. Ces sĂ©ances de formation doivent ĂȘtre passionnantes pour les Ă©tudiants.
La plus grande partie du travail du professeur se fait bien avant le cours. Il doit dâabord bĂątir un vĂ©ritable catalogue dâhistoires de cas. Pour Ă©crire un cas de 50 pages, ça prend plus de 200 heures. On compte donc 200 heures de prĂ©paration pour chaque 75 minutes passĂ©es en classe. Mais les Ă©tudiants le reconnaissent; ils disent : ââenfin, on parle des vraies affairesââ. Une grande partie de la richesse du cours vient de la richesse de ce matĂ©riel didactique. LâhabiletĂ© pĂ©dagogique du professeur sert Ă accoucher ââlâintelligence de gestionââ de chacun. Il doit rester disponible au happening dâapprentissage qui se passe hic et nunc.
Pendant un cours qui sâĂ©chelonne sur un trimestre (28 sessions dâune heure et quart, on peut discuter de 28 histoires de cas diffĂ©rentes. Ă la fin, les Ă©tudiants ont enrichi leur comprĂ©hension de ce quâest la gestion et se dĂ©couvrent comme gestionnaires en ayant Ă©tudiĂ© dâautres histoires de cas et en ayant rĂ©flĂ©chi sur eux-mĂȘmes.
Jây reviens, la gestion, câest quelque chose dâorganique, de vivant et de chaotique qui Ă©volue tout le temps. Pour moi, la mĂ©thode des cas, enrichit lâintelligence et le jugement de lâĂ©tudiant. Câest une formation Ă la pratique qui ne peut pas se faire autrement que par la pratique; celle des autres dâabord et la sienne propre ensuite. La thĂ©orie (sous forme de textes dâaccompagnement) est enseignĂ©e pour mettre lâĂ©tudiant en contexte, mais elle est subordonnĂ©e parce quâelle demeure une rĂ©duction ou un modĂšle de la rĂ©alitĂ©.
Quels sont les défis dans votre champ de recherche?
Laurent Lapierre : Le principal dĂ©fi pour enseigner par la mĂ©thode des cas, câest dâarrĂȘter dâĂȘtre un professeur qui enseigne. Tu dois venir en classe en te disant ââ enseigne le moins possibleââ. Si tu te mets Ă enseigner, les Ă©tudiants ne vont pas travailler sur le cas, ils ne se rendront pas responsable de leur apprentissage. Ils vont attendre que tu le fasses Ă leur place.
Pour moi, il faut donc accepter de perdre ââle beau rĂŽle du professeurââ pour devenir quelquâun qui fera accoucher les Ă©tudiants de leur intelligence, de ce quâils sont vraiment, leur faire dĂ©couvrir ce quâest la gestion pour eux et les faire rĂ©flĂ©chir sur eux-mĂȘmes comme gestionnaires (voir lâentrevue Ă ce sujet). Jâai la chance que mes cours portent sur le lien entre personnalitĂ© et direction.
Il y a diffĂ©rentes façons de gĂ©rer et il y a des cas de mauvaise gestion. Câest important que les Ă©tudiants voient ça et comprennent ce quâils trouvent de mal appropriĂ© lĂ -dedans. Ensuite, ça leur permet de dĂ©cider ce qui sera valable pour eux. Pour enseigner la mĂ©thode des cas, il faut que tu arrĂȘtes de penser que câest toi qui vas enseigner en arrivant avec ta prĂ©sentation PowerPoint en leur disant ce quâils ont Ă apprendre.
Par exemple, enseigner la mĂ©decine de maniĂšre seulement thĂ©orique, ça ne prĂ©parerait pas les mĂ©decins Ă la pratique. Si tu veux de bons mĂ©decins, tu dois tâassurer quâils aient les connaissances et les techniques nĂ©cessaires, mais tu dois leur prĂ©senter de vrais problĂšmes de mĂ©decin avec de vrais patients et les prĂ©parer rĂ©soudre ces problĂšmes dans la vraie vie. Tu ne travailles pas avec une thĂ©orie quand tu travailles avec un patient, tu travailles avec une personne. Alors, les enseignants leur prĂ©sentent des problĂšmes de personne et lĂ , la thĂ©orie devient intĂ©ressante : tu peux tâen servir, mais câest la personne qui compte.
Câest la mĂȘme chose pour la gestion. Quâa fait tel gestionnaire pour telle entreprise, petite ou grande? Il a pris telles dĂ©cisions et il a posĂ© tels gestes. Quâen pensez-vous? Et lĂ tu apprends en te disant ââOK, je crois avoir compris pourquoi ça a marchĂ© ou pourquoi ça nâa pas marchĂ©ââ. Et ce nâest jamais final. La pratique de la gestion nâest pas une science. Et le doute existe toujours.
Tout nâest pas que beau dans une entreprise. La rĂ©alitĂ© est  changeante, souvent inquiĂ©tante⊠Il faut apprendre Ă composer avec cette rĂ©alitĂ©, et on espĂšre que les dirigeants sont Ă lâaise, voire quâils aiment Ćuvrer dans ces contextes. On enseigne trĂšs souvent en gestion que ça devrait ĂȘtre planifiĂ© et organisĂ©. Câest souvent impossible.
Sans oublier que tu ne gĂšres pas quâavec des qualitĂ©s personnelles. Je pense quâon gĂšre autant avec ses dĂ©fauts personnels quâavec ses qualitĂ©s. Personne nâose parler des dĂ©fauts. Si tu as des dĂ©fauts personnels, tu ne les perds pas en devenant gestionnaire. Tu peux ĂȘtre autoritaire ou impatient, par exemple, mais il faut que tu apprennes Ă composer avec ces dĂ©fauts, et surtout Ă tâen prĂ©munir.
Comment vous ĂȘtes-vous intĂ©ressĂ© Ă ce sujet?
Laurent Lapierre : Jâai commencĂ© ma carriĂšre de gestionnaire comme directeur gĂ©nĂ©ral de la sociĂ©tĂ© artistique Ă lâUniversitĂ© Laval. Je connaissais pas par expĂ©rience ce quâĂ©tait cette responsabilitĂ©. Ce sont dâautres personnes qui ont jugĂ© que je pourrais faire ce travail. De cette expĂ©rience, je suis restĂ© persuadĂ© que le casting est fondamental et que, trĂšs souvent, il ne peut pas ĂȘtre fait par la personne elle-mĂȘme.
Je suis arrivĂ© dans ce poste et jâai Ă©tĂ© obligĂ© dâinventer. Plus tard, jâai Ă©tĂ© le premier directeur au ThĂ©Ăątre du Trident. Dâautres personnes me voyaient dans ce travail que je ne connaissais aucunement. Jâavais bien Ă©tudiĂ© au Conservatoire dâart dramatique, mais je nâavais jamais fait de gestion de thĂ©Ăątre. Jâai Ă©tĂ© obligĂ© dâinventer ma mĂ©thode. Je suis venu rencontrer trois directeurs de thĂ©Ăątre que je connaissais. Je leur ai demandĂ© de me consacrer une journĂ©e chacun et je les ai Ă©coutĂ©s. Un peu comme si je prenais leur cas pour savoir comment je devais faire. Je leur ai dit : ââracontez-moiââ. Ce fut mon cours gestion ça.
Je nâai pas eu dâautres cours de gestion Ă ce moment-lĂ . Tu nâas pas le choix dâĂȘtre ton propre mentor, parce quâil nây en a pas dâautres. Tu es seul Ă faire la job, mais tu ne lâas jamais faite et tu nâas pas Ă©tudiĂ© ce domaine. Tu nâes donc pas contaminĂ© par les Ă©tudes ni par les thĂ©ories des autres. Tu peux Ă©couter, lire, Ă©tudier, mais tu es donc obligĂ© de trouver ta propre façon pour gĂ©rer. Câest ça que jâai dĂ©couvert plus tard avec la mĂ©thode des cas aux HEC. Tu acquiers le goĂ»t dâĂ©couter les autres, autant ceux qui dirigent que ceux qui sont dirigĂ©s.
Que diriez-vous Ă quelquâun qui dĂ©bute dans votre domaine?
Laurent Lapierre : Pour arriver Ă vouloir faire de la formation en utilisant la mĂ©thode des cas, je pense quâil faut Ă©prouver une insatisfaction Ă enseigner la gestion de façon traditionnelle. Ton insatisfaction devient ton vĂ©ritable moteur. Quâest-ce qui fait que tu trouves que tes Ă©tudiants ne sont pas intĂ©ressĂ©s ou que ça ne donne pas les rĂ©sultats que tu veux ? Câest Ă partir de cette insatisfaction que tu vas vouloir te construire une autre mĂ©thode.
Bien sĂ»r, je suis allĂ© Ă lâĂ©cole et je mâĂ©tais ennuyĂ© jeune. Jâai fait de lâenseignement plus tard et je me suis dit : ââil faut que mes Ă©lĂšves aiment ça venir Ă lâĂ©cole, il faut quâils aiment et quâils veillent apprendre ââ. Jâai donc inventĂ© une mĂ©thode, inspirĂ©e de CĂ©lestin Freinet, un grand pĂ©dagogue français, parce que je voulais que les Ă©lĂšves sortent Ă 16 h et se disent quâils avaient passĂ© une bonne journĂ©e et quâils avaient appris de façon intĂ©ressante.
Si un jeune professeur nâĂ©prouve aucun malaise Ă enseigner de façon magistrale ou traditionnelle, sâil pense que câest ça la bonne façon, je lui dirais de continuer Ă faire ce quâil fait. Jâai tellement vu dâutilisation de la mĂ©thode des cas qui nâĂ©tait que de lâenseignement magistral dĂ©guisĂ© ! Câest pis que la vĂ©ritable mĂ©thode des cas.
Sâil a un malaise cependant, je lui dirais de travailler sur ce malaise pour trouver une façon qui soit plus intĂ©ressante pour lui et ses Ă©tudiants, et qui leur permettrait dâapprendre mieux, plus vite ou de façon plus solide. BĂątis lĂ -dessus. Essaie de te trouver.
On nâest jamais aussi intĂ©ressant quâon voudrait ĂȘtre, mĂȘme avec la mĂ©thode des cas. Il y a des fois que ça marche de façon extraordinaire, alors quâĂ dâautres moments ça ne marche pas, ça ne lĂšve pas. Ăa nâarrive pas par magie. La mĂ©thode des cas est elle-mĂȘme un apprentissage trĂšs long. Il dâabord dĂ©sapprendre parce que le systĂšme scolaire est basĂ© sur lâenseignement. Il faut apprendre Ă travailler sur les difficultĂ©s de ce mĂ©tier-lĂ et Ă aimer ces difficultĂ©s qui deviennent des dĂ©fis.
Je crois que câest Freud qui a dit quâil y avait trois mĂ©tiers impossibles : gouverner, psychanalyser et enseigner. Enseigner est un de ces mĂ©tiers impossibles. Si tu ne fais que transmettre des connaissances, ça va. Tu fais passer un examen Ă la fin, et tu mesures si ces connaissances sont sues. Est-ce que les Ă©tudiants ont retenu les connaissances que tu leur as transmises en classe? Et ça se mesure !
Ce quâon enseigne en gestion, câest une pratique. Avoir des connaissances ne suffit pas. Quand jâai Ă©tudiĂ© au Conservatoire dâart dramatique, on ne nous disait pas ââvoici ce quâa Ă©crit tel grand acteur ou thĂ©oricien du thĂ©Ăątre. Va apprendre çaââ. Non, on nous disait ââon sâen fout des thĂ©ories, monte sur scĂšne et joue, soit vrai”. En gestion, câest pareil. Tu as beau avoir lu toutes les thĂ©ories, si tu ne sais pas ce que câest de travailler avec des gens pour obtenir des rĂ©sultats, tu nây arriveras pas.
P.S. Jâai Ă©tĂ© chanceux dâĂ©tudier au Conservatoire dâart dramatique, en pĂ©dagogie, dâavoir Ă©tĂ© enseignant au primaire et dâavoir Ă©tĂ© jetĂ© dans la fosse aux lions de la gestion.
Laurent Lapierre chez eValorix
Texte par Kassandra Martel
Propos recueillis par FĂ©lix Vaillancourt
Catherine Turcotte et la compréhension en lecture
Catherine Turcotte est professeure au dĂ©partement dâĂ©ducation et formation spĂ©cialisĂ©es de lâUniversitĂ© de QuĂ©bec Ă MontrĂ©al (UQAM). Elle est Ă©galement membre de lâĂ©quipe de recherche ADEL : apprenants en difficultĂ© et littĂ©ratie.
Expertises
Enseignement et apprentissage de la lecture, DifficultĂ©s dâapprentissage de la lecture, OrthopĂ©dagogie, ComprĂ©hension Ă©crite.
à quel besoin souhaitez-vous répondre avec votre recherche?
Catherine Turcotte : Le grand thĂšme serait la comprĂ©hension en lecture. Tous mes travaux se rattachent de prĂšs ou de loin Ă ce sujet, puisque la comprĂ©hension en lecture câest multidimensionnel.
Ce qui mâintĂ©resse ce sont les Ă©lĂšves quâon dit Ă risque dâĂ©prouver des difficultĂ©s et ceux qui Ă©prouvent dĂ©jĂ des difficultĂ©s, ce qui peut reprĂ©senter plusieurs types dâĂ©lĂšves. Par exemple, tous les Ă©lĂšves des milieux dĂ©favorisĂ©s ne sont pas Ă risque dâĂ©chouer, mais certains prĂ©sentent des facteurs de risques reconnus. Si la langue maternelle parlĂ©e Ă la maison nâest pas la mĂȘme quâĂ lâĂ©cole, câest un autre facteur de risque. Dâautres Ă©lĂšves ont par exemple une dĂ©ficience intellectuelle lĂ©gĂšre. Certains autres enfants ont des difficultĂ©s particuliĂšres Ă traiter la lecture et lâĂ©criture. Jâai une grande sensibilitĂ© auprĂšs des Ă©lĂšves qui ont plus de difficultĂ©s que la moyenne.
Quels sont les défis dans votre champ de recherche?
Catherine Turcotte : Les dĂ©fis dans mon champ de recherche se rattachent  beaucoup Ă lâĂ©valuation en comprĂ©hension de lâĂ©crit. LâĂ©valuation ça existe : on Ă©value souvent les Ă©lĂšves. Mais il nâexiste pas encore des Ă©valuations adĂ©quates pour comprendre ce que les enfants sont capables de faire au lieu de juste leur donner un rĂ©sultat global. Câest assez complexe quand on veut comprendre leurs difficultĂ©s et comprendre oĂč il faut aller les chercher pour quâils surpassent leurs difficultĂ©s.
Souvent, on a une trĂšs bonne idĂ©e des limites des enfants, mais on nâa pas une bonne connaissance de ce quâils arrivent Ă faire et de ce quâils ont comme potentiel.
On ne sait donc pas comment les aider. On a de super belles Ă©valuations standardisĂ©es qui nous disent quâun Ă©lĂšve montre des performances « deux ans plus jeune » que tous les autres Ă©lĂšves de sa classe, par exemple. Mais quâest-ce quâon fait maintenant avec ça? Ăa ne nous indique pas comment intervenir pour quâil arrive Ă rattraper les autres Ă©lĂšves. Ăa nous donne un score par rapport Ă une norme. Je veux contribuer Ă outiller les enseignants.
Par exemple, avec mes travaux sur le vocabulaire dans le cadre de lâĂ©quipe ADEL (Apprenants en difficultĂ© et littĂ©ratie), on a essayĂ© dâĂ©valuer le vocabulaire des enfants avec dâautres instruments. Pas juste avec des listes ou des questions comme « pointe-moi câest quoi, dans les quatre images suivantes, un ballon ». Dans nos sĂ©ances, on essayait de faire parler les Ă©lĂšves, en les notant autrement, en fonction des mots quâils expriment et des liens entre ces mots.
Dans un autre guide pĂ©dagogique quâon va soumettre bientĂŽt Ă eValorix, on parlera des activitĂ©s quâon peut faire en classe, mais aussi de nouvelles Ă©preuves quâon peut utiliser pour dĂ©terminer plus spĂ©cifiquement quels sont les problĂšmes de comprĂ©hension en lecture des Ă©lĂšves. Souvent, on dit dâun Ă©lĂšve « quâil ne comprend pas » ses textes. Mais quoi exactement, quel type de questions ne comprend-tâ il pas? On est plus dans cette prĂ©cision-lĂ .
Comment vous ĂȘtes-vous intĂ©ressĂ© Ă ce sujet?
Catherine Turcotte : Jâai fait une formation initiale en enseignement au primaire. Je mâĂ©tais destinĂ©e Ă devenir une enseignante au primaire, mais dĂšs que je suis sortie de lâuniversitĂ©, je me suis rendu compte que ce qui me prĂ©occupait le plus dans une classe, câĂ©tait les Ă©lĂšves qui ne lisaient pas bien. Jâai donc fait une maĂźtrise. Ă lâĂ©poque, il y avait une professeure Ă lâUniversitĂ© Laval qui Ă©tait spĂ©cialisĂ©e dans le domaine. Elle Ă©tait reconnue partout. Câest donc avec elle que jâai fait ma maĂźtrise. Ă partir de lĂ , peut-ĂȘtre naĂŻvement, je pensais que ça rĂ©pondrait Ă mes questions. Ăa Ă©tĂ© le contraire, ça en a gĂ©nĂ©rĂ© beaucoup plus! Alors, je suis allĂ©e faire une thĂšse de doctorat pour rĂ©aliser un moment donnĂ© que je nâaurais jamais toutes les rĂ©ponses. Il fallait juste que jâessaie de rĂ©pondre Ă quelques questions et que si je rĂ©ussissais Ă contribuer un petit peu Ă ce champ-lĂ , je serais contente.
Que diriez-vous Ă quelquâun qui dĂ©bute dans votre domaine?
Catherine Turcotte : Il va toujours y avoir beaucoup de travail. Il nâarrivera jamais au bout. Ce qui est intĂ©ressant, câest quâen ce moment on est capable de trouver certaines rĂ©ponses. Ce nâest pas vrai quâon est toujours dans le nĂ©ant. Tous les travaux quâon fait nous apportent des rĂ©ponses et nous apportent aussi soit de nouvelles questions, soit de nouvelles occasions de rĂ©flĂ©chir Ă une autre problĂ©matique. Jusquâici, mes travaux mâavaient amenĂ©e Ă travailler dans des classes ordinaires et en orthopĂ©dagogie, mais un jour, une collĂšgue mâa dit « tout ce que tu fais, jâaimerais bien le tenter avec des Ă©lĂšves qui ont une dĂ©ficience intellectuelle, qui sont dans une classe spĂ©ciale ». Câest comme un nouveau champ de problĂšmes et de possibilitĂ©s qui sâouvre. Ensemble, nous avons travaillĂ© lĂ -dessus. Jâai Ă©tĂ© confrontĂ©e Ă ce type dâĂ©lĂšves qui ont des caractĂ©ristiques particuliĂšres sur le plan de la mĂ©moire et de lâattention, que je rencontrais moins avec des Ă©lĂšves, disons, typiques. Câest encore un autre niveau dâajustement. Ce que je dirais aux personnes qui commence Ă sâintĂ©resser Ă ce champ-lĂ , câest que câest un champ dâintĂ©rĂȘt qui touche aussi toute sorte dâĂ©lĂšves. Câest pour cela que ce nâest jamais fini non plus. La lecture et lâĂ©criture câest prĂ©sent partout.
Tout le monde doit avoir un bon niveau de lecture. Câest donc un champ qui est transversal, câest transdisciplinaire.
Catherine Turcotte chez eValorix
Texte par Kassandra Martel.
Propos recueillis par FĂ©lix Vaillancourt
Marc-Antonin Hennebert, les relations de travail et le syndicalisme
Marc-Antonin Hennebert est professeur agrĂ©gĂ© au DĂ©partement de gestion des ressources humaines Ă HEC MontrĂ©al. Il est Ă©galement membre du Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail (CRIMT)Â
Expertises
Relations de travail, syndicalisme, négociation collective, firmes multinationales et responsabilité sociale.
à quel besoin souhaitez-vous répondre avec votre recherche?
Marc-Antonin Hennebert : Mon domaine de recherche est celui des relations de travail et du syndicalisme. Ă HEC, il fait partie de la sphĂšre plus large de la gestion des ressources humaines (GRH). Ă ce titre, deux projets de recherche concernant le monde syndical mâont plus particuliĂšrement occupĂ© au cours des derniĂšres annĂ©es.
Le premier, de nature plus internationale, concerne la montĂ©e en nombre et en puissance des entreprises multinationales et lâimplication de ce phĂ©nomĂšne sur la rĂ©gulation du travail. La question au cĆur de ce projet est de savoir comment les travailleurs et leurs reprĂ©sentants peuvent sâassurer du respect des droits sociaux fondamentaux des employĂ©s au sein des multinationales, mais aussi au sein de leurs rĂ©seaux de sous-traitants et de leurs chaĂźnes de valeur? Ă cet Ă©gard, certaines organisations syndicales ont innovĂ© au cours des derniĂšres annĂ©es en dĂ©veloppant de nouvelles pratiques de concertation intersyndicale au plan international et en construisant des coalitions et des alliances plus ou moins formelles selon les cas. Ces alliances regroupent gĂ©nĂ©ralement des syndicats qui reprĂ©sentent les travailleurs dâune mĂȘme multinationale dans ses diffĂ©rents Ă©tablissements Ă travers le monde et cherche dâordinaire Ă ouvrir un dialogue avec la direction de ces entreprises pour assurer un meilleur respect des droits des travailleurs notamment dans les pays oĂč les structures institutionnelles en matiĂšre de travail sont dĂ©ficientes. Ce thĂšme de recherche se veut trĂšs proche de celui de la responsabilitĂ© sociale des entreprises, mais vu sous lâangle syndical.
Dans un contexte de transformations des milieux de travail, mon deuxiĂšme projet de recherche sâintĂ©resse Ă la rĂ©alitĂ© des reprĂ©sentants syndicaux au sein des entreprises et Ă la problĂ©matique du renouvellement du leadership de ces reprĂ©sentants. En effet, la complexification observĂ©e du travail de ces reprĂ©sentants, et notamment des prĂ©sidents de syndicats locaux auquel ce projet sâintĂ©resse de maniĂšre particuliĂšre, les placent aujourdâhui devant de nombreux dĂ©fis et soulĂšve des questions quant aux meilleures pratiques en matiĂšre de reprĂ©sentation syndicale. Ce projet de recherche vise un objectif fondamental, soit celui dâidentifier, selon notamment certains contextes sectoriels dĂ©terminĂ©s, comment les reprĂ©sentants syndicaux composent avec de tels dĂ©fis  et comment certains parviennent Ă devenir des acteurs stratĂ©giques Ă la fois au sein de leur syndicat et de leur entreprise.
Quels sont les principaux défis dans votre champ de recherche?
Marc-Antonin Hennebert : Les organisations syndicales avec lesquelles je travaille depuis plusieurs annĂ©es sont confrontĂ©es Ă de multiples dĂ©fis provenant Ă la fois de leur environnement externe et interne. Dans le premier cas, je pense notamment Ă la mondialisation, aux recompositions sectorielles (les emplois se dĂ©veloppent aujourdâhui surtout dans des secteurs moins syndiquĂ©s), aux besoins nouveaux des employeurs (rĂ©ductions de coĂ»ts, flexibilitĂ© dans lâorganisation et les conditions de travail), etc. Concernant lâenvironnement interne, les membres des syndicats ont Ă©galement des besoins nouveaux notamment en matiĂšre de conciliation travail-famille et leurs intĂ©rĂȘts sont plus diversifiĂ©s quâauparavant. Les organisations syndicales, comme les entreprises, sont donc aujourdâhui condamnĂ©es Ă revoir leurs pratiques pour sâajuster Ă leur nouvel environnement.
En outre, dans un contexte oĂč les ressources humaines se positionnent de plus en plus comme une source dâavantage compĂ©titif, les relations de travail peuvent venir jouer un rĂŽle plus important dans la dĂ©finition de la compĂ©titivitĂ© des entreprises. Cela place les acteurs syndicaux dans une position oĂč ils peuvent potentiellement jouer un rĂŽle de partenaire stratĂ©gique au sein de leur organisation. Dans ce contexte, je me pose certaines questions de portĂ©e gĂ©nĂ©rale : Quelle est lâĂ©tat actuel des relations de travail dans nos entreprises au QuĂ©bec? Quelles sont les dĂ©fis inhĂ©rents Ă une saine gestion des relations de travail? Quelles sont les meilleures pratiques relativement Ă lâimplication des syndicats au sein des processus de changement des entreprises ?
Au fil de nos recherches, nous avons toujours eu un accueil trĂšs positif des entreprises et des organisations syndicales impliquĂ©es dans nos projets. Nous cherchons aussi Ă avoir des conclusions pratiques qui peuvent offrir autant dâoutils rĂ©flexifs Ă nos partenaires de recherche et les guider dans leurs pratiques.
Comment vous ĂȘtes-vous intĂ©ressĂ© Ă ce sujet?
Marc-Antonin Hennebert : Alors que jâĂ©tais Ă©tudiant en gestion, je me suis rendu compte quâon Ă©tudiait beaucoup les organisations du point de vue de ses dirigeants et de ses principales sphĂšres de pouvoir. Toutefois lâentreprise est un lieu pluriel oĂč sâentremĂȘlent intĂ©rĂȘts et groupes divers. Ăvidemment, il est fondamental dâĂ©tudier la rĂ©alitĂ© des gestionnaires pour comprendre les organisations, mais je trouvais nĂ©anmoins quâon ne sâintĂ©ressait pas assez aux formes de contre-pouvoirs au sein des organisations dans lesquels les syndicats jouent un rĂŽle assez important. Mes premiĂšres recherches mâont dĂ©montrĂ© que, parfois dans une mĂȘme entreprise, les dirigeants et gestionnaires, dâune part, et les reprĂ©sentants syndicaux et les travailleurs, dâautre part, ont parfois une vision trĂšs diffĂ©rente de leur rĂ©alitĂ© organisationnelle.
LâĂ©tude des relations de travail et du syndicalisme est donc pour moi une maniĂšre importante de contribuer Ă la comprĂ©hension de nos univers organisationnels. Elles permettent notamment dâexposer le point de vue des travailleurs et de leurs reprĂ©sentants, soit un peu lâenvers de la mĂ©daille.
Que diriez-vous Ă quelquâun qui dĂ©bute dans votre domaine?
Marc-Antonin Hennebert : Jâai rĂ©cemment Ă©crit un texte dans la revue de lâOrdre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agrĂ©Ă©s du QuĂ©bec (ORHRI) qui tĂ©moigne un peu de ma vision des relations de travail en entreprise et des conseils que je donnerais aux gestionnaires dans ce domaine (pour consulter le texte intĂ©gral en Ă©tant membre de lâOrdre suivre ce lien HENNEBERT, Marc-Antonin. 2014. « Entre les mĂ©andres de la conflictualitĂ© et lâidĂ©al collaboratif : gĂ©rer ses relations de travail de maniĂšre rĂ©aliste ! ». Effectif, revue de lâOrdre professionnel des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agrĂ©Ă©s du QuĂ©bec, vol. 17, no. 2, p. 14-19. )
Il est tout dâabord important de reconnaĂźtre la pluralitĂ© des intĂ©rĂȘts dans les organisations. La formation des Ă©tudiants au sein des Ă©coles de gestion peut parfois donner une vision unitaire des organisations masquant les intĂ©rĂȘts potentiellement diffĂ©rents de certains groupes.  Comprendre la diversitĂ© des intĂ©rĂȘts au sein des organisations est pour moi fondamental!
Il me semble Ă©galement important pour tout gestionnaire RH de saisir la responsabilitĂ© et les contraintes des reprĂ©sentants syndicaux et pallier au manque de connaissances des autres gestionnaires en cette matiĂšre. Les relations de travail sont encadrĂ©es par un rĂ©gime juridique (notamment le code du travail) qui crĂ©e des obligations de toutes sortes dont celle pour les reprĂ©sentants syndicaux de sâassurer de dĂ©fendre leurs membres de maniĂšre juste et Ă©quitable. La rĂ©alitĂ© est la mĂȘme du cĂŽtĂ© des gestionnaires : il existe une obligation de nĂ©gocier de bonne foi le renouvellement des conventions collectives, de reconnaĂźtre et de ne pas entraver les activitĂ©s syndicales, de respecter la procĂ©dure de grief, etc. Il est donc impĂ©ratif de connaitre ses responsabilitĂ©s et ses obligations lĂ©gales.
Il faut aussi accepter, comme gestionnaire RH, les dĂ©saccords potentiels avec les syndicats et mĂȘme lâimpossibilitĂ© de sâentendre sur certains enjeux, tout en cherchant Ă minimiser les impacts Ă long terme sur les relations patronales-syndicales. Fonctionner par consensus est un idĂ©al qui nâest pas toujours Ă lâĂ©preuve de la rĂ©alitĂ©. Le dĂ©fi pour un gestionnaire en relations de travail nâest pas dâĂ©viter Ă tout prix les dĂ©saccords, mais de chercher Ă minimiser leurs effets sur les relations entre les parties Ă plus long terme.
Finalement, il ne faut pas avoir peur dâinnover et de remettre en cause les pratiques dans le domaine des relations de travail. Le monde des relations de travail en est un au demeurant assez conservateur dans la mesure oĂč les pratiques et façons de faire se sont instituĂ©es au fil des annĂ©es (nĂ©gociations collectives, procĂ©dure de grief, etc.) et quâelles Ă©voluent plus lentement que dans dâautres domaines. Il ne faut pas avoir peur dâinnover, de remettre en cause certaines pratiques. Ă titre dâexemple, on observe aujourdâhui dans certaines entreprises le dĂ©sir dâĂ©tablir une culture du dialogue plus soutenue entre les parties par lâintermĂ©diaire de la crĂ©ation de comitĂ©s de nĂ©gociation continue visant Ă faire Ă©voluer les conditions de travail entre les pĂ©riodes plus formelles de renouvellement de la convention collective. Des syndicats jouent aussi un rĂŽle plus important dans les sphĂšres dĂ©cisionnelles des entreprises ce qui apparaĂźt comme une avenue intĂ©ressante, mĂȘme si elle reprĂ©sente un dĂ©fi important pour les parties, pour le renouvellement de nos relations de travail.
Marc-Antonin Hennebert chez eValorix
Propos recueillis par FĂ©lix Vaillancourt.
Lucie Richard et les pratiques professionnelles en santé publique
Lucie Richard, Ph.D. est professeure titulaire Ă la FacultĂ© des sciences infirmiĂšres et directrice de lâInstitut de Recherche en SantĂ© Publique de lâUniversitĂ© de MontrĂ©al (IRSPUM) oĂč elle dĂ©tient Ă©galement un poste de chercheure rĂ©guliĂšre.
Expertises
PrĂ©vention de la santĂ©, promotion de la santĂ©, approche Ă©cologique en santĂ© publique, analyse Ă©tiologique, Ă©valuation dâinterventions spĂ©cifiques.
à quel besoin souhaitez-vous répondre avec votre recherche?
Lucie Richard : Je tente dâaider les praticiens Ă renouveler leurs pratiques et aider les chercheurs qui font de la recherche sur le renouvellement des pratiques. Il y a beaucoup de mouvement en santĂ© publique depuis une trentaine dâannĂ©es : des nouveaux modĂšles dâanalyse et dâaction, des rĂ©organisations successives des services, etc. Câest important de soutenir les praticiens dans ces nombreuses transitions. Par exemple, il nây a pas si longtemps encore, la santĂ© publique fonctionnait dans une logique trĂšs Ă©ducative; en Ă©duquant les gens, en leur donnant de lâinformation sur quoi faire pour amĂ©liorer leur santĂ©, on croyait avoir la clĂ© pour les guider vers les changements souhaitĂ©s en matiĂšre  de comportements. La santĂ© publique a Ă©voluĂ© vers de nouvelles perspectives, vers de nouveaux modĂšles pour guider la rĂ©flexion et lâaction. Sans omettre lâaction sur les comportements, ces nouveaux outils encouragent les praticiens Ă dĂ©velopper des interventions qui visent Ă modifier les environnements dans lesquels les personnes vivent, Ă agir sur ces dĂ©terminants sociaux.
Par exemple pour rĂ©duire le tabagisme, on sait maintenant quâun  travail exclusif sur les connaissances, les attitudes et le comportement des individus ne fonctionne pas. Les gains populationnels majeurs dans ce domaine sont survenus suite Ă des interventions modifiant des dĂ©terminants clĂ©s du tabagisme : la taxation, lâamĂ©nagement dâaires sans fumĂ©e, la publicitĂ©, etc.  Bref, la santĂ© publique et la promotion de la santĂ© mettent de lâavant  un travail sur une diversitĂ© de dĂ©terminants de la santĂ© et pas seulement ceux propres au comportement individuel.
Au fond, quand on sâarrĂȘte et quâon y pense, on comprend que les conditions dans lesquelles les gens vivent sont souvent celles qui les rendent malades.
En remontant Ă la source, en modifiant ces facteurs on peut faire des gains au niveau de la santĂ© des populations. Si on ne sâattaque pas Ă ces facteurs, nous restons cantonnĂ©s dans une logique oĂč on soigne des gens malades. Il faut continuer Ă le faire, je ne dis pas quâil faut fermer les hĂŽpitaux! Mon agenda de recherche est sur la prĂ©vention et la promotion de la santĂ©. La promotion câest mettre en place des conditions qui vont garder les gens en santĂ©.
Un de mes axes de recherche a trait au rĂŽle des praticiens dans le contexte de lâĂ©mergence de ces nouvelles pratiques. Dans les organisations locales de santĂ© publique, le discours du nouveau mouvement de santĂ© publique est arrivĂ© il y a plus de 20 ans, mais avant quâil percole dans les pratiques, ça prend du temps. Les praticiens nous disent manquer dâoutils ou de formation pour travailler Ă modifier les environnements. On vise Ă mettre sur pied des ateliers et des formations, câest notamment un des objectifs du guide dĂ©posĂ©  sur eValorix. Ă ce stade-ci, il faut mentionner que le guide sert surtout Ă des fins des recherches. Par exemple, des Ă©quipes lâutilisent afin de documenter lâintĂ©gration de nouvelles approches au sein des programmes. Ă plus long terme, notre souhait est que le guide soit utile aux praticiens visant un travail sur  les environnements, les dĂ©terminants sociaux.
Dans le cadre de mon projet de recherche actuel, je suis en train de mettre sur pied des interventions de dĂ©veloppement professionnel destinĂ©es aux professionnels des CISSS et CIUSSS afin de les accompagner pour quâils puissent amĂ©liorer leurs pratiques, travailler sur plusieurs dĂ©terminants de la santĂ© et sur lâenvironnement.
Quels sont les principaux défis dans votre champ de recherche?
Lucie Richard : Jâen vois deux. PremiĂšrement, trouver des façons dâappliquer les connaissances dans les milieux de pratiques. Les praticiens sont souvent dĂ©bordĂ©s et les chercheurs pas toujours Ă mĂȘme dâoffrir des opportunitĂ©s porteuses en terme de dĂ©veloppement professionnel. Il faut trouver les bonnes modalitĂ©s pour mieux soutenir lâimplantation dâapproches  innovantes, telles celles sâappuyant sur une approche Ă©cologique.
DeuxiĂšmement, quand on fait des coupes en santĂ©, câest souvent la prĂ©vention qui Ă©cope. Câest ce qui est moins visible.
La prévention quand on a du succÚs, ça ne fait pas de bruit.
Si on rĂ©duit les dommages des accidents routiers â parce que les gens portent leur ceinture, parce que les voitures sont mieux conçues, parce quâon a travaillĂ© sur les tracĂ©s des routes, grĂące aux campagnes de prĂ©vention de lâalcool au volant â cela rĂ©duit lâincidence des accidents, mais ça ne fait pas la manchette.
Quand on coupe dans la prĂ©vention, il nây a personne qui crie.
Comment vous ĂȘtes-vous intĂ©ressĂ©e Ă ce sujet?
Lucie Richard : Ma formation de base est en psychologie. Câest beaucoup par le biais de la psychologie communautaire, des cours au niveau du baccalaurĂ©at qui ouvraient nos horizons sur les questions dâamĂ©lioration des conditions de vie. Jâai eu une premiĂšre expĂ©rience de travail dans les milieux de santĂ© communautaire. Jâai trouvĂ© que câĂ©tait un bon champ dâapplication pour les connaissances en psychologie que jâavais acquises. Jâai dĂ©couvert que câest un univers fascinant.
Le Canada est un leader au sein du mouvement de la nouvelle santé publique et de la promotion de la santé.
Je suis entrĂ©e en santĂ© publique au moment de lâintroduction de ce nouveau discours. Ăa mâintriguait, je trouvais ça impressionnant, mais je me demandais comment nous allions implanter ça dans la pratique.
Que diriez-vous Ă quelquâun qui dĂ©bute dans votre domaine?
Lucie Richard : Câest un domaine captivant, nous sommes Ă la croisĂ©e de plusieurs disciplines. Par exemple, dans le cas de la sĂ©curitĂ© routiĂšre, la santĂ© publique collabore avec des ingĂ©nieurs, des urbanistes, des psychologues, des communicateurs, etc. Il y a lĂ un champ dâapplications formidable quand on travaille sur des problĂšmes sociaux.
Câest extrĂȘmement stimulant et difficile Ă©galement. Nous travaillons en interdisciplinaritĂ©, il faut apprivoiser le vocabulaire et lâapproche de lâautre. Ce qui nous intĂ©resse en santĂ© publique, ça appelle forcĂ©ment Ă la collaboration de plusieurs disciplines. Et le potentiel dâimpact est immense.
Propos recueillis par FĂ©lix Vaillancourt.
Entrevue : Nina Admo et la médiation sociale
Nina Admo enseigne la criminologie au dĂ©partement des Techniques auxiliaires de la justice du CollĂšge de Maisonneuve et Ă la FacultĂ© de lâĂ©ducation permanente de LâUniversitĂ© de MontrĂ©al. Elle est Ă©galement chercheure au Centre international de criminologie comparĂ©e de lâUniversitĂ© de MontrĂ©al et Ă lâInstitut de recherche sur lâintĂ©gration professionnelle des immigrants (IRIPI).
Expertises
Ses intĂ©rĂȘts de recherche portent notamment sur la mĂ©diation sociale, la rĂ©solution des conflits, la mĂ©diation pĂ©nale et la justice rĂ©paratrice.
à quel besoin souhaitez-vous répondre avec votre recherche?
Nina Admo : Mes travaux portent sur lâĂ©valuation de lâimplantation et des impacts de projets en mĂ©diation sociale ou urbaine. Je fais de la recherche-action qui implique que le chercheur soit prĂ©sent sur le terrain. On rĂ©colte les premiers rĂ©sultats pour ensuite corriger le tir avec lâĂ©quipe sur les lieux et continuer lâĂ©valuation par la suite.
Je cherche, Ă lâinstar dâautres chercheurs dans le domaine, Ă dĂ©velopper des processus alternatifs Ă la rĂ©solution des conflits citoyens, notamment par la mĂ©diation. Certains nouveaux processus vont inclurent plusieurs groupes dâacteurs. Prenons par exemple le bruit dâun bar dans un quartier, cela donnera lieu Ă une mĂ©ga mĂ©diation ou ce que nous appelons cercle de dialogue ou de rĂ©solution de problĂšmes qui impliquera des reprĂ©sentants citoyens, du bar, de la police, de la ville, etc. Le but est de les rassembler tous autour de la mĂȘme table avec un mĂ©diateur impartial qui va venir organiser les Ă©changes entre eux. Bien que mon champ de recherche soit la mĂ©diation sociale, je commence Ă mâintĂ©resser Ă dâautres thĂ©matiques.
Je travaille prĂ©sentement avec une Ă©quipe sur le terrain sur un projet de prĂ©vention de la radicalisation menant Ă la violence dans des Ă©coles. La mĂ©diation peut ĂȘtre une des solutions Ă ces « crises des interactions sociales ».
Quels sont les principaux défis dans votre champ de recherche?
Nina Admo : Les initiatives sont un Ă©ternel projet-pilote que les villes et les institutions ont tendance Ă relancer Ă chaque fois, il nây a pas de continuitĂ©.
Les pratiques nâont pas levĂ© au QuĂ©bec. La mĂ©diation nâa pas su se dĂ©gager comme une alternative lĂ©gitime.
En Belgique, par exemple, les gens ne peuvent plus appeler au 911 pour certains conflits de voisinage. Le service de mĂ©diation est institutionnalisĂ©. On reconnaĂźt lâapport de ces pratiques dans la gestion des conflits humains.
Dans ce qui se fait au QuĂ©bec, lâoffre est trĂšs Ă©clatĂ©e et le titre de mĂ©diateur social nâest pas un titre protĂ©gĂ© au QuĂ©bec. En mĂ©diation sociale, il y a des organismes communautaires qui offrent en effet des services de rĂ©solutions de conflit souvent gratuits, entre autres, en guise dâalternative au systĂšme pĂ©nal ou civil. Par contre, il y en a dâautres qui parlent de mĂ©diation culturelle alors quâil est plutĂŽt question dâateliers de sensibilisation Ă lâautre. Certains intervenants sociaux aident leurs clients dans la rĂ©solution de certains conflits interpersonnels et estiment ainsi quâils offrent une forme de mĂ©diation. Il nây a pas de consensus entre les pratiques. Lâoffre est tellement diffĂ©rente quâon ne sâentend pas sur le terrain ce que constitue la mĂ©diation sociale. Alors que quand on parle de thĂ©rapie, par exemple, tout le monde sâentend sur certains paramĂštres.
Que diriez-vous Ă quelquâun qui dĂ©bute dans votre domaine?
Nina Admo : Ils ne peuvent pas vivre de ça (rires)! Il nây a pas vraiment de travail Ă temps plein dans le domaine de la mĂ©diation sociale et pĂ©nale. En parallĂšle de ma recherche, je vis de lâenseignement. Par contre, ce sont des milieux de travail et de recherche extrĂȘmement stimulants!
Propos recueillis par FĂ©lix Vaillancourt.