Louise Demers et la gérontechnologie
Louise Demers est professeure titulaire à l’École de réadaptation de l’Université de Montréal. Elle est également directrice de l’École de réadaptation de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, Vice-doyenne associée aux sciences de la santé et chercheure au Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal.
Expertises : Gérontologie, proches aidants, mesure et évaluation, participation sociale des personnes âgées vivant dans la communauté
La mission d’eValorix est de diffuser les outils numériques issus de la recherche publique. Cette entrevue fait partie de la série d’entrevues avec les femmes et les hommes derrière cette recherche. Les articles tirés de nos conversations informelles paraîtront sous cette rubrique toutes les deux semaines. Inscrivez-vous à l’infolettre afin de rester au courant!
eValorix : À quel besoin souhaitez-vous répondre avec votre recherche?
Louise Demers : « Je cherche à optimiser les services aux personnes âgées qui restent à domicile à travers la technologie. Un élément important pour moi, c’est de considérer les besoins des proches aidants dans la recherche de solutions. En fait, je suis particulièrement intéressée par tout ce qui concerne l’utilisation et le développement des aides techniques utilisées ou destinées aux personnes âgées. On réfère ici à la gérontechnologie, qui est un domaine assez large, allant des aides techniques simples comme les barres d’appui à des appareils plus complexes comme des fauteuils roulants motorisés. Je m’intéresse à de nouvelles technologies comme les piluliers électroniques et les fauteuils roulants motorisés intelligents. Je travaille à évaluer les impacts des technologies existantes et au développement de nouvelles technologies pour les personnes âgées qui ont des déficiences, principalement d’ordre physique. Dans quelle mesure ces technologies ont-elles un impact réel pour réduire le fardeau d’aide des proches-aidants? De fait, chercher à augmenter l’autonomie d’une personne âgée sous-tend qu’on diminue l’aide requise de la part d’autres personnes. Depuis un certain temps, je cible mes recherches sur l’évaluation des impacts de la technologie pour ceux qui donnent de l’aide humaine, en espérant que l’aide technique puisse remplacer l’aide humaine finalement. »
eValorix : Quels sont les défis dans votre champ de recherche?
Louise Demers : « D’un point de vue clinique, passer du développement technologique à une appropriation et à une utilisation sur le terrain, c’est énorme! Il faut réussir à mesurer des effets qui soient réels et concrets. Il y a tout le financement de la dispensation des aides techniques à considérer. Il y a aussi les changements de pratique des cliniciens. Bref, il y a beaucoup de défis.
Pour la recherche, c’est un défi d’étudier les populations âgées fragiles et leurs proches aidants. Il n’est pas facile de recruter des participants, notamment parce que les proches aidants vivent une surcharge. Il y a beaucoup d’attrition dans ce type d’étude, d’autant plus que les conditions de santé des personnes les plus âgées tendent à se détériorer…. Les études longitudinales sont problématiques.
eValorix : Comment vous êtes-vous intéressée à ce sujet?
Louise Demers : « Alors que j’étais ergothérapeute clinicienne, je me posais des questions sur les impacts de ce que l’on fait en réadaptation. Dans quelle mesure est-ce que, au congé des centres de réadaptation, les aides techniques attribuées sont utiles aux personnes qui les reçoivent? Mon intérêt pour la recherche est vraiment parti de cette question. Je me suis engagée dans des études de doctorat et mes recherche se sont orientées dans ce secteur. »
eValorix : Que diriez-vous à quelqu’un qui débute dans votre domaine?
Louise Demers : « Je crois que c’est vraiment important d’être centrée sur le pourquoi de nos recherches. Il faut s’attacher à des problématiques dont les solutions peuvent répondre à des besoins de la société. Dans le contexte présent, il faut vraiment savoir pourquoi on fait ce travail. Il faut être proche des utilisateurs de la recherche. Il ne faut pas se disperser non plus. Je suggère aux jeunes chercheurs de se tailler une niche dans un secteur qui leur appartient et se l’approprier, et ne pas nécessairement embarquer dans tous les projets disponibles. Même en travaillant en équipe, un chercheur doit être identifié à une thématique. Un jeune chercheur qui accepte d’aller dans trop de différents projets risque de se sentir débordé. Il faut se doter d’un plan, avoir une programmation et une stratégie pour ne pas se laisser submerger. Il faut également aimer ce que l’on fait, parce qu’il y a beaucoup de frustration à la vie de chercheur, notamment avec le financement qui est difficile. Il faut apprendre à se valoriser au-delà de la reconnaissance associée à l’obtention de subvention. »
Texte par Kassandra Martel
Propos recueillis par Félix Vaillancourt