Vincent Fourmond et le métabolisme énergétique
Vincent Fourmond est chargé de recherche/research associate au laboratoire de Bioénergétique et Ingénierie des Protéines (BIP) UMR7281, une Unité Mixte de Recherche du CNRS et de l’Université d’Aix-Marseille (AMU). La commercialisation de son outil QSoas est rendue disponible par la SATT Sud-Est.
À quel besoin souhaitez-vous répondre avec vos recherches?
Vincent Fourmond : Je suis électro-chimiste, je cherche à comprendre les enzymes qui sont impliqués dans la respiration de certaines bactéries. Notre travail s’inscrit dans la recherche fondamentale et a trait au domaine du stockage et de la conversion de l’énergie. Le logiciel que j’ai créé, QSoas, nous sert à analyser l’activité électrochimique.
Il y a des applications pratiques à cette recherche aussi. Par exemple, les hydrogénases sont des excellents catalyseurs pour produire de l’hydrogène ou l’oxyder. On peut s’imaginer utiliser ces enzymes dans les piles à combustible afin de générer de l’électricité par exemple (création d’énergie via réaction chimique) ou concevoir des catalyseurs pour produire de l’hydrogène et l’utiliser pour notamment remplacer le platine, coûteux et rare. Nous travaillons aussi sur des enzymes dans le stockage du CO2. Être capable de fabriquer du carburant à partir du gaz carbonique, c’est un des plus gros défis du secteur de l’énergie – du moins dans la partie chimique.
Quels sont les défis dans votre champ de recherche?
Vincent Fourmond : Le vrai problème dans le domaine de l’énergie en ce moment c’est le stockage. L’énergie solaire est abondante, mais elle n’est pas toujours présente (plus faible en certaines saisons ou absente la nuit). Il faut pouvoir stocker cette énergie et éventuellement la transporter. L’électricité est dure à stocker, mais on devrait pouvoir conserver l’énergie sous forme chimique – une des stratégies c’est de fabriquer de l’hydrogène.
Une autre approche est aussi d’utiliser l’énergie afin de fabriquer du carburant à partir du CO2 dans l’atmosphère. Présentement, c’est techniquement possible, mais le rendement énergétique global est encore trop faible pour que ce soit viable.
Comment vous êtes-vous intéressé à ce sujet?
Vincent Fourmond : Je suis physicien à la base, l’énergie et la biologie m’ont séduit. Pour moi, c’est fascinant de voir comment les êtres vivants sont capables d’extraire l’énergie de leur environnement – la bioénergétique. Comprendre comment tout ça fonctionne au niveau moléculaire ou de la bactérie. Les enzymes sur lesquelles on travaille s’inscrivent dans le métabolisme énergétique, elles participent à la vie de la bactérie. Elles auraient été présentes dès l’origine de la vie, dans des sources chaudes abondantes en hydrogène. Essayer de les comprendre et voir comment elles ont émergé permet d’avoir des pistes sur les conditions de ces origines.
Que diriez-vous à quelqu’un qui débute dans votre domaine?
Vincent Fourmond : Le domaine le plus intéressant et le plus dur en ce moment est du côté biologique de la réduction du CO2. Les enzymes sont très difficiles à étudier et on a peu de résultats jusqu’à présent. D’après moi, il y a beaucoup à apprendre de ces enzymes. Ce sera un travail collaboratif d’une équipe multidisciplinaire. Les sujets que l’on aborde sont trop vastes pour être abordés par un seul spécialiste, il faut apprendre à communiquer avec le langage issu du champ d’expertise de nos collègues.
Notre recherche est une belle collaboration avec des physiciens qui ont des approches en spectroscopie ou des chimistes-théoriciens qui essaient de calculer les états chimiques qui peuvent être impliqués dans la catalyse. On travaille aussi avec des gens qui font de la cristallographie (pour déterminer la structure de protéines, comment s’organisent les atomes de protéines) et avec des chimistes plus intéressés par l’applicatif – par exemple créer des électrodes pour faire des piles à combustible.
Vincent Fourmond chez eValorix
Propos recueillis par Félix Vaillancourt