Yves Couturier sur l’adaptation du système de santé face au vieillissement de population
Yves Couturier est professeur à l’École de travail social de l’Université de Sherbrooke. Il est titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les pratiques professionnelles d’intégration de services en gérontologie et a un doctorat en sciences humaines appliquées de l’Université de Montréal
Expertise
Pratiques professionnelles d’intégration des services en gérontologie
À quel besoin souhaitez-vous répondre avec vos recherches?
Yves Couturier : Le Canada connaît une évolution démographique très importante, la société québécoise est actuellement l’une des plus sujettes au vieillissement de population. Ce changement démographique requiert une révision des méthodes de prestation des services de santés et de services sociaux. Ces services étaient autrefois destinés à une population, qui lorsque malade, mourrait subitement. Aujourd’hui, la réalité changeante se définit par une population qui souffre et décède majoritairement de maladies chroniques. Ma mission est de développer de bonnes manières pour mieux organiser les services, dans un contexte d’émergence de maladies chroniques. Il s’agit d’améliorer les façons de travailler avec des personnes âgées demeurant à domicile. Le but est d’éviter, autant que possible, les CHSLD et les hôpitaux. Ces structures sont coûteuses et peuvent s’avérer dangereuses pour les aînés. Une personne âgée en CHSLD, alitée, est moins active qu’à domicile. Elle n’est pas mobilisée quotidiennement et cours le risque de développer des maladies nosocomiales, soit des maladies contractées dans un établissement de santé. Il n’est pas rare que le système de santé actuel contribue involontairement à la perte d’autonomie. Il arrive qu’une personne continente à son entrée en CHSLD devienne incontinente au bout de quelques mois. Le travail des employés n’est pas à blâmer, c’est plutôt signe que la réponse aux besoins offerte en établissement de santé n’est pas la mieux adaptée.
J’œuvre actuellement en France à la formation de gestionnaires de cas. Ces professionnels coordonnent les services dédiés aux personnes ayant des problèmes de santé complexes. Cette coordination requiert une étroite collaboration entre les infirmières, l’aide sociale, les médecins, mais aussi les proches aidants. Je travaille à suivre l’implantation de cette coordination en France et au Québec. Par ailleurs, je m’adonne à la documentation de la mise en œuvre d’un plan gouvernemental pour les maladies de type Alzheimer. Pour en retirer des leçons, je suis les répercussions de ce plan implanté depuis près de 2 ans et demi dans 19 projets pilotes au Québec. Faute de détenir une réelle solution curative à la maladie d’Alzheimer, le plan a pour mission de prendre en charge, avec le malade et ses proches, l’ensemble des effets de la maladie sur sa vie quotidienne. Ce plan Alzheimer est par ailleurs sur le point d’être étendu dans le réseau de la santé.
Quels sont les défis dans votre champ de recherche?
Yves Couturier : Le plus grand défi est la lenteur de l’évolution du système de santé. La résistance et le manque de proactivité de L’État ralentit le passage de l’idée prometteuse à la pratique concrète. Le manque de moyens, de formation et d’accompagnement mine le changement.
Comment vous êtes-vous intéressé à ce sujet?
Yves Couturier : Ma thèse de doctorat m’a permis d’être exposé à des pratiques de professionnels de la santé travaillant dans le contexte du vieillissement. Bien qu’intéressantes, ces pratiques étaient mal documentées, car la plupart des jeunes chercheurs s’intéressent peu au vieillissement. Je m’y suis alors attardé.
Que diriez-vous à quelqu’un qui débute dans votre domaine?
Yves Couturier : Il est aisé de prédire de bonnes perspectives d’emplois, car les besoins sont là. Les années à venir prédisent des besoins grandissants impliquant que plus de la moitié des jeunes professionnels de la santé travailleront pour cette clientèle vieillissante. D’autre part, cette clientèle complexe offre des défis cliniques plus importants et représente de vrais défis scientifiques et professionnels. Les problèmes sont complexes, car ils relèvent souvent de plusieurs conditions qui interagissent. Cette complexité et cette multiplicité des dimensions, selon moi, devraient être source d’intéressement pour de futurs professionnels de la santé.
Yves Couturier chez eValorix
Texte par Fanny Vadnais
Propos recueillis par Félix Vaillancourt